AIDES : 40 ans de lutte contre le VIH
Rencontre avec Camille Spire, présidente de AIDES, qui revient sur les évolutions de la perception du VIH en France, et l’importance continue de la prévention. L’occasion d’aborder la campagne « Vieillir, on ne peut vous souhaiter que ça« , ainsi que les défis de la communication dans la lutte contre le VIH.
Quels ont été les principaux changements dans la perception du VIH en France au cours des 40 dernières années, et comment l’association AIDES a-t-elle influencé ces évolutions ?
40 ans après la création de AIDES et les nombreuses victoires remportées au fil des années dans la lutte contre le VIH, nous constatons que les mentalités ont évolué sur de nombreux points. Il reste malgré tout du chemin à faire, comme le montre l’étude que nous avons réalisée avec l’IFOP et dont les résultats ont été diffusés en septembre 2024.
Alors qu’ils étaient 24% en 1988, les Français-es souhaitant isoler les malades du sida pour s’en protéger ne sont plus que 11% en 2024. Il semblerait donc que les messages martelés par AIDES depuis des années sur les modes de transmission du VIH aient fait effet.
Nos campagnes ont également permis d’avertir sur les discriminations vécues par les personnes séropositives puisque 78% des Français-es ont conscience que les personnes séropositives sont victimes de discriminations.
La récente campagne « Vieillir, ça peut faire peur… Pourtant, on ne pouvait rien vous souhaiter de plus beau. » marque un tournant. Quels sont ses objectifs principaux et pourquoi mettre l’accent sur le vieillissement est-il essentiel pour les personnes vivant avec le VIH ?
La campagne “Vieillir, ça peut faire peur… Pourtant, on ne pouvait rien vous souhaiter de plus beau” remplit plusieurs objectifs. Tout d’abord, elle permet de marquer les 40 années d’existence de notre association. Comme pour tout anniversaire, c’est pour nous l’occasion de regarder dans le rétroviseur et de célébrer les grandes victoires auxquelles nous avons contribué depuis 40 ans. Comme par exemple, la levée de l’interdiction de publicité sur les préservatifs, le vote de la loi Kouchner relative aux droits des malades ou encore le mariage pour tous-tes. Nos 40 ans nous rappellent aussi qu’avec 200 000 personnes vivant avec le VIH en France, dont plus de 10 000 parmi elles qui l’ignorent, et une sérophobie encore ancrée dans la société, le combat n’est pas terminé. Enfin, à l’occasion de cet anniversaire, nous nous tournons vers l’avenir et insistons : la fin de l’épidémie est possible, nous disposons de tous les outils, il nous manque une volonté politique forte et des moyens financiers importants.
Cette campagne a également permis de mettre en avant une réalité encore ignorée par près d’un quart des Français-es (24%) : grâce aux traitements, les personnes séropositives jouissent aujourd’hui d’une espérance de vie similaire à celle des personnes séronégatives. Alors que l’annonce de séropositivité sonnait comme une condamnation à mort dans les années 80/90, il est aujourd’hui possible de vivre en bonne santé avec le VIH, de vieillir, d’aimer, de faire des enfants sans risquer de leur transmettre…
Quelles stratégies de prévention mettez-vous en place pour toucher efficacement vos diverses cibles ?
Nous nous appuyons sur une démarche communautaire en santé, et partons du principe que les personnes les plus à même de définir leurs besoins, de proposer des solutions et de les évaluer sont les principales concernées. Nous travaillons donc avec et pour les personnes les plus exposées au VIH : hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, personnes transgenres, migrantes, détenues, usagères de drogues ou travailleuses du sexe.
Au-delà de nos 56 lieux de mobilisation qui accueillent du public partout en France, nous menons des actions dites “d’aller vers”, pour aller directement à la rencontre des personnes exposées à la transmission.
Nous menons également des campagnes de communication tout au long de l’année, pour valoriser les outils de prévention existants, comme la Prep, lutter contre les discriminations, contre la sérophobie ou encore mettre en avant le travail quotidien de nos militants-es sur le terrain, partout en France.
Quels défis rencontrez-vous dans la communication et la sensibilisation au VIH aujourd’hui, alors que le paysage médiatique évolue sans cesse ?
L’évolution du paysage médiatique et les innovations induites, en termes de format notamment, nous permettent de toucher un public divers. Les militants-es de AIDES prendront ainsi la parole cette année, autour du 1er décembre, dans certains podcasts, dans la presse régionale comme nationale, dans les pure players ou encore la presse spécialisée santé, tout comme à la télévision et en radio.
Les défis que nous relevons sont ceux de la préservation de l’anonymat des personnes interviewées et ceux qui relèvent des contraintes organisationnelles pour certains reportages en région à mettre en place parfois en urgence. Nous constatons enfin, et comprenons bien sûr, que le monde médiatique peut être le lieu de reproduction d’idées reçues concernant l’épidémie, les personnes vivant avec le VIH et les modes de vie des publics que nous rencontrons. Nous poursuivrons dans les années à venir nos efforts afin de permettre à chacun-e de mieux appréhender ces sujets et lutter contre l’ignorance qui fait souvent place aux discriminations et à la violence.
Comment décririez-vous la collaboration entre AIDES et Wellcom, et en quoi ce partenariat a-t-il contribué au succès de vos campagnes de prévention ?
La collaboration entre AIDES et Wellcom, autant au niveau stratégique qu’opérationnel, est aujourd’hui précieuse pour notre association. Le professionnalisme de Wellcom et l’expertise de ses équipes concernant les angles à faire émerger, la meilleure façon de convaincre les rédactions de traiter nos sujets ou le timing à respecter nous permettent, chaque année, de profiter d’une très belle exposition médiatique, notamment à l’approche du premier décembre.
À l’occasion des 40 ans de AIDES, Wellcom a également appuyé notre association dans la réalisation d’une enquête IFOP et m’a permis, en tant que présidente de AIDES, de profiter d’un media training très instructif.
Je suis donc ravie que notre association puisse s’appuyer sur une agence d’une telle qualité. Wellcom contribue à travers son appui, à lutter contre le VIH/sida en France.