Quelles responsabilités endossent les marques vis-à-vis des consommateurs ?
Bien au-delà du produit vendu, la fonction première d’une marque est de permettre à ses consommateurs comme à ses collaborateurs d’exprimer une identité. C’est la notion d’Extended Self, qui correspond au fait de s’associer à l’identité d’une marque et de le faire valoir. Ce phénomène est notamment prédominant chez les adolescents, qui sont en pleine construction identitaire : les marques deviennent un raccourci symbolique qui leur permet d’exhiber leur univers et leur personnalité. Mais aujourd’hui, les enjeux environnementaux et sociétaux changent la donne et incitent les marques à prendre position sur d’autres types de sujets : la diversité, l’inclusion, la préservation de l’environnement, etc. De plus en plus d’entre elles souhaitent endosser un rôle d’amélioration de la société.
De la part d’une marque, qu’est-ce qu’un engagement qui a du sens ? Comment faire la différence avec ceux qui n’en ont pas ?
Plusieurs paramètres sont à prendre en compte, car un engagement qui a du sens doit s’ancrer dans un écosystème global. Si une marque souhaite défendre la diversité, toute sa politique doit s’aligner et résonner avec cette ambition, y compris dans ses méthodes de recrutement ! Il faut nécessairement une continuité entre la raison d’être d’une entreprise et les produits/ services qu’elle propose, mais il faut surtout qu’elle se prolonge dans sa stratégie, son management et sa façon de prendre des décisions. Ensuite, il s’agit de faire preuves d’actions régulières et continues tout au long de l’année, et pas seulement lors d’occasions ponctuelles : un véritable engagement se mesure dans la durée. D’ailleurs, pour que les consommateurs puissent y percevoir de l’authenticité, la clé pour une marque est de mettre en avant son impact concret sur la cause concernée, plutôt que l’action en elle-même. Adopter un discours de preuve, c’est le moyen d’assurer qu’on est allé plus loin que de simples paroles, qu’on a évalué l’ampleur du problème et qu’on est intervenu concrètement à son niveau.
La notion de sens est subjective et propre à chacun. Comment définir ce qui fait sens pour un consommateur dans l’identité d’une marque ?
Effectivement, pour de nombreux consommateurs, le premier critère de choix reste le prix ! Il est très difficile de définir précisément ce qui déclenche une décision d’achat chez une cible, car elle se base sur de multiples facteurs : personnalité, culture, habitudes et style de vie, symbolique de la marque, qualité… On peut difficilement classer les individus en catégories de consommateurs, puisqu’une même personne peut avoir un raisonnement différent en fonction de la catégorie de produit achetée : elle peut par exemple être très regardante concernant les produits frais mais moins lorsqu’il s’agit de produits ménagers, etc. De façon générale, on remarque que la puissance des marques historiques et reconnues reste énorme : même en temps d’inflation et de crise, les gens continuent à les plébisciter, pour des raisons d’attachement symbolique. On voit donc bien que consommer de façon engagée n’est pas une priorité pour tout le monde, mais il ne faut pas culpabiliser ces profils pour autant ! L’information concernant la composition des produits est aujourd’hui en accès libre, mais chacun est libre d’en faire ce qu’il souhaite.
Une marque peut-elle alors réellement répondre aux attentes du plus grand nombre ?
Ce serait un grand écueil de le penser ! Justement, certaines entreprises ont tout intérêt à abandonner l’approche “Marketing”, (étudier les besoins existants du marché et tout faire pour y répondre) pour passer à une approche “Branding” (partir de ses engagements et de ses valeurs plutôt que d’un besoin exprimé). Parfois, le besoin n’a pas à préexister pour qu’une marque puisse fonctionner : par exemple, Coco Chanel avait déjà une idée bien précise de ce que serait la femme émancipée, et n’a pas attendu de sonder les besoins des femmes pour lancer des vêtements modernes ! Il arrive que les consommateurs n’imaginent même pas avoir besoin d’un produit mais en découvrent les avantages à postériori : c’est le cas pour de nombreuses technologies aujourd’hui. En ce sens, certaines marques gagneraient à arrêter de vouloir tout faire pour plaire, et à “désobéir” davantage. Le secteur du luxe fonctionne beaucoup à partir de cette démarche, grâce à des directeurs artistiques qui mettent en valeur des convictions fortes et parfois surprenantes. Aujourd’hui, une marque doit être politique et prendre des risques en prenant position, quitte à soulever les foules. Pour moi, un engagement sincère et authentique ne se fait pas sans courage ni sans prise de risque. Parfois, il faut oser lancer des actions sans être sûr qu’elles plairont, et pas uniquement parce que leur succès est assuré. Risquer de déplaire à certains, c’est le meilleur moyen de s’attirer une clientèle plus qualitative et plus fidèle, qui nous suit uniquement pour les bonnes raisons !