A quels enjeux répond le lancement de Granny Geek ?
En 2018, alors que je vivais à Milan, j’aidais constamment mes parents vivant en France à utiliser leurs appareils électroniques. En répondant à toutes leurs questions à distance, m’est venue l’idée de lancer une hotline répondant aux questions des séniors sur ces thématiques. Alors que les deux autres co-fondateurs (rencontrés au sein d’une association) expérimentaient la même situation, nous avons décidé de nous lancer. Depuis 2020, nous sommes reconnus comme entreprise de l’ESS (Economie Sociale et Solidaire) et agréés ESU (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale). Nous nous tenons à disposition des bénéficiaires grâce à notre hotline accessible par téléphone ou par visio. Nous intervenons pour résoudre des problèmes ponctuels et proposons des cours particuliers personnalisés sur le sujet souhaité. Nous organisons également des visioconférences pour un plus large public, sur plus de 50 sujets liés au numérique. Le but est de donner des conseils bienveillants aux publics séniors, sans jamais les infantiliser. Notre ligne de conduite est de leur apporter les réponses nécessaires pour qu’ils se sentent à l’aise dans leur époque plutôt que mis de côté, et surtout qu’ils puissent se rendre compte du côté positif du numérique plutôt que de le diaboliser. Avec ce type de public, le moindre petit blocage peut être rédhibitoire et les décourager, alors qu’ils sont tout à fait capables de se débrouiller si on leur en donne les moyens.
Quel panorama pouvez-vous dresser sur les besoins des séniors concernant le numérique ?
Notre premier constat est que, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas les enfants/ petits enfants qui poussent les séniors à se former : la demande vient le plus souvent d’eux-mêmes ! Malheureusement, les jeunes générations ont tendance à sous-estimer les capacités numériques de leurs aînés, à dire qu’ils n’y arriveront jamais. Pourtant, nous constatons que ceux qui nous contactent sont très volontaires et demandeurs de nouveautés. Ils sont souvent curieux de mieux comprendre le monde actuel, et loin d’être réfractaires. Malgré cette bonne volonté, le principal souci rencontré est que les technologies évoluent très vite : lorsqu’ils se sont habitués à un appareil ou à une fonctionnalité, il faut aussitôt en changer et tout réapprendre ! Ensuite, la maîtrise du vocabulaire technique constitue également un enjeu important : s’acculturer au numérique, c’est aussi comprendre les termes utilisés, qui sont parfois en anglais. Leurs besoins d’accompagnement tournent souvent autour des mêmes thématiques : les procédures administratives, l’utilisation des imprimantes connectées, les soucis de stockage de photos (Drives ou téléphones saturés), l’utilisation des objets médicaux connectés, mais aussi des interrogations concernant l’IA et le futur de nos emplois. De façon générale, le blocage le plus courant est la peur de se tromper. C’est la barrière que nous essayons de faire sauter en restant à leur disposition, car oser se tromper, c’est déjà un pas important vers l’autonomie ! Pour cela, la plupart d’entre eux ont surtout besoin d’être rassurés et de savoir que des solutions existent dans tous les cas. Les publics séniors comprennent vite, il faut juste prendre le temps de leur expliquer, de les mettre en confiance et d’adapter nos discours à leurs besoins.
En quoi leur accessibilité aux contenus numériques est un enjeu phare ?
Si aujourd’hui, de plus en plus de séniors sont équipés de matériel électronique, on constate que le taux d’illectronisme continue à augmenter, notamment du fait que certains sites ou applications ne sont pas adaptés à la vision ni à l’audition des personnes âgées. Pourtant, rendre ces contenus accessibles à tous représente un enjeu de taille : consultation de documents administratifs, déplacements en ville (notamment avec le QR code qui sera nécessaire à Paris pendant les JO), accès aux droits de santé ou de mutuelle, impôts, rester en contact avec ses proches, s’informer, etc. Pour ne pas s’enfermer, il est aujourd’hui devenu indispensable de maîtriser tous ces fonctionnements. Pourtant, dès lors qu’une personne arrête de travailler, elle cesse de suivre les progrès technologiques car elle n’en a plus l’utilité au quotidien. Il faut donc pérenniser et entretenir ses compétences numériques pour continuer à être autonomes. L’accessibilité au numérique chez les séniors renferme alors un second enjeu tout aussi important, qui est celui de la lutte contre leur isolement et leur marginalisation. D’ailleurs, à travers notre hotline, on constate souvent que nous sommes pour certains leur seule occasion de discuter avec une personne extérieure, et donc d’entretenir un peu de lien social.
Comment réagir face à la hausse des attaques de cybersécurité, touchant particulièrement les séniors ?
Nous réalisons une veille constante sur cette thématique car les attaques sont aujourd’hui de plus en plus performantes. Récemment, nous avons par exemple remarqué que de nombreux pirates visaient spécifiquement des adresses emails contenant des prénoms plus anciens, afin d’être sûrs de s’attaquer à des personnes moins armées. Chez nos bénéficiaires, nous avons ainsi assisté à des attaques sur plusieurs adresses email contenant le prénom « Monique ». Nous avons également renforcé nos formations concernant les SMS frauduleux, car nous avons noté une hausse de ce mode d’action. De façon générale, nous sensibilisons nos bénéficiaires à ne jamais communiquer leurs coordonnées, à ne jamais cliquer sur des liens inconnus, à se méfier des expéditeurs et à relever tout détail inhabituel. En cas de doute, la plupart ont le bon réflexe de nous appeler ou de nous envoyer des captures d’écran que nous traitons en priorité.
Si vous souhaitez contacter Granny Geek pour l’un de vos proches :
Hotline en France : 04 89 42 92 29
Mail dédié : sos@sos-grannygeek.com