Fabienne Delahaye : « On m’a expliqué que l’industrie en France n’avait pas d’avenir… »
Entrepreneuse aguerrie, Fabienne Delahaye a créé de nombreux salons à succès : Salon du Taxi, Salon de l’Immobilier d’Entreprise, Salon du Plein Emploi, etc. Loin d’en être à son coup d’essai, elle crée en 2012 MIF Expo – Le Salon du Made In France. 11 ans plus tard, à l’occasion de la deuxième édition régionale du Salon à Lyon début mai, elle revient sur les enjeux de la réindustrialisation du pays.
Quelles raisons vous ont amenée à monter MIF Expo, Le Salon du Made In France ?
Je fais partie de la génération à laquelle on a toujours enseigné que l’industrie en France n’avait plus d’avenir, et qu’il fallait confier aux pays dits émergents la quasi-totalité de la fabrication de nos biens de consommation. Durant mes études d’économie, on nous expliquait que l’avenir était dans les services, les productions à très haute valeur ajoutée ou les technologies de l’information. Des croyances qui ont mené le pays vers une situation de chômage structurel, d’appauvrissement des régions industrialisées, de perte des savoir-faire, de désertification des territoires, et de déficit commercial. L’idée m’est alors venue de créer un grand rendez-vous annuel favorisant la rencontre de consommateurs et de fabricants, de personnalités politiques, de professionnels ou encore de journalistes. C’est ainsi que le salon est né ! La première édition s’est tenue en novembre 2012 et a tout de suite rencontré un grand succès. Partis de 80 exposants et 1 5000 visiteurs en 2012, nous attendons plus de 1 000 entreprises et 100 000 visiteurs en novembre prochain.
Quels sont les enjeux de la réindustrialisation de la France ?
Derrière la production française, se cachent de multiples enjeux : préservation des emplois, des savoir-faire, mais aussi de l’environnement. On parle beaucoup de la réparabilité de nos équipements, afin de moins jeter et de moins polluer, mais il est plus difficile de réparer certaines pièces lorsqu’elles sont fabriquées loin de chez nous. La fabrication française répond aussi à un réel engouement de la part des Français depuis une dizaine d’années. Cette tendance s’est installée de façon progressive, et s’est accélérée lorsque les Français ont pris conscience des conséquences délétères de la désindustrialisation. La pandémie de COVID a intensifié cette évolution, en nous faisant constater que la majorité des produits dont nous avions besoin étaient fabriqués en Asie. Enfin, le Made in France répond aussi à des enjeux de santé publique : les normes auxquelles sont soumises les entreprises qui fabriquent en France sont souvent plus contraignantes que les autres, notamment au niveau des compositions, afin d’éviter les substances allergènes ou nocives. Mais réindustrialiser la France est un chantier immense, et nous avons encore un long chemin à parcourir : relocaliser des chaînes de valeur entières peut être difficile et coûteux, d’où la nécessité d’une véritable volonté politique.
Comment ne pas se perdre dans les promesses faites par les marques qui surfent sur cette tendance ?
Le franco-lavage (ou « French-washing ») est une réalité chez certaines marques, dont les mentions vagues flirtent parfois avec la tromperie : « Marque Française », « Born in Paris », etc. Ces formulations ne sont pas illégales mais peuvent induire le consommateur en erreur. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une entreprise est française que ses produits sont forcément fabriqués en France. Il est donc important de rester vigilant en lisant les étiquettes. L’une des missions du Salon du Made in France est justement de permettre aux consommateurs de pouvoir acheter en toute sécurité, sans avoir de doutes quant à la fabrication des produits. De façon générale, il existe de nombreux dispositifs pour mieux se repérer : l’appellation IMF, ou code douanier (dont l’obtention est gratuite), la certification Origine France Garantie (qui est payante et donne lieu à des contrôles réguliers par des organismes certificateurs), le label EPV, qui est un label d’Etat, le label Produit en Bretagne, le label France Terre Textile, etc.
Cette année, le Salon du Made In France se décline aussi en région. Quels ont été les temps forts de l’édition de Lyon début mai ?
L’année dernière déjà, le Salon du Made In France s’était exporté à Bordeaux. Cette année, l’édition lyonnaise des 6 et 7 mai a accueilli 15 000 visiteurs venus rencontrer 120 exposants. C’était une opération totalement différente, qui nous a beaucoup rappelé nos tous premiers salons. Les rencontres entre visiteurs et exposants ont constitué de grands temps forts, avec notamment de nombreuses démonstrations de savoir-faire. Une radio locale, radio Scoop, était également présente sur place pour couvrir l’événement. Nous nous penchons déjà sur la préparation de l’édition parisienne, qui se déroulera du 9 au 12 novembre 2023. Cette année, le Salon réservera de nombreuses surprises : la présence d’une usine éphémère montrant les étapes de fabrication de produits de consommation courante, ou encore celle du Village de l’Artisanat avec 200 artisans. Des conférences, les grands Prix du Made in France, des démonstrations de savoir-faire et des animations diverses seront également au programme.