Anne-Sophie Viard : Permettre aux femmes dirigeantes de bien s’entourer
Face au faible nombre de femmes aux postes à hautes responsabilités, Anne-Sophie Viard, Patricia Udekwe et Célia Senger-Louaisil ont lancé Comète. Le concept ? Réunir les femmes dirigeantes en réseau au sein de boards personnels, pour leur permettre d’échanger et de se conseiller sur leurs questionnements et enjeux business quotidiens.
D’où vient le concept de « Board of advisors personnel » proposé par Comète ? À quels enjeux répond-il ?
Avant de lancer Comète, j’ai travaillé à l’étranger pendant 10 ans et j’ai pu m’inspirer des modèles de management que j’y ai découverts. L’histoire de Comète commence à New-York, où j’ai rencontré Patricia Udekwe et Célia Senger-Louaisil. Là-bas, nous avons pu échanger avec de nombreuses femmes à des postes sénior, et avons fait le constat suivant : plus les femmes grimpent les échelons professionnels, plus elles sont confrontées à la solitude. Le pourcentage de femmes étant moins élevé dans les postes à hautes responsabilités, le nombre de role-model diminue à mesure qu’elles évoluent. Aux Etats-Unis, il est courant de s’accompagner et de se conseiller entre pairs, par exemple au sein de réseaux féminins. C’est de là que nous est venue l’idée de ramener en France le concept de Board of advisors personnel. Concrètement, un groupe confidentiel sur-mesure composé de 8 femmes et d’un coach exécutif est proposé à chaque membre, selon son niveau de responsabilités et ses enjeux professionnels. Comète s’adresse à tous les secteurs de métiers, afin de maintenir une certaine richesse de profils. Pour nous, la réussite passe avant tout par le fait de bien s’entourer. Nos boards permettent à des femmes qui vivent la même étape professionnelle et partagent les mêmes problématiques de se retrouver dans un safe-space pour les résoudre ensemble. Nous avons lancé le premier board en 2021, et le réseau compte aujourd’hui plus de 150 femmes issues d’une centaine d’entreprises différentes.
Quelles sont les problématiques souvent rencontrées par les membres de Comète ?
Nos membres sont souvent issues de milieux professionnels très masculins : tech, consulting, finance, industrie… La plupart du temps, elles nous font part de questionnements liés à leur posture, à l’affirmation de soi et à la légitimité ; mais aussi à la difficulté de trouver des alliées et de se construire un réseau solide sur lequel s’appuyer. Malheureusement, beaucoup de biais de genres sont encore trop internalisés par la société, sans même que l’on s’en rende compte. Il arrive encore trop souvent que certains managers fassent le choix de ne pas promouvoir une collaboratrice ayant des enfants, en présumant d’office et pour elle que cette montée en responsabilités ne sera pas compatible avec sa vie de famille. Pour faire tomber ces barrières et faciliter l’accès des femmes aux postes de direction, Comète propose des master-class, afterworks, dîners, petits déjeuners, rencontres d’intervenants et de leaders extérieurs (qui peuvent également être masculins)… Le lien qui s’établit entre les membres est particulièrement puissant, et finit même par nous dépasser : au fur et à mesure, ce sont elles qui prennent la main sur leur réseau. Pour nous, la force du collectif est cruciale et peut mener à de très belles réussites ! Parce que l’humain est au cœur de notre projet, nous sommes toujours ravies d’accueillir de nouveaux profils inspirants pour faire bouger les lignes. Les critères requis pour nous rejoindre ? Avoir au moins 10 ans d’expérience dans son métier et occuper un poste allant de Head of à membre d’un CODIR ou d’un COMEX, mais surtout partager des valeurs d’entraide, d’ambition et de courage, et croire en la force du lien.
Comment lutter contre les biais de genre dans le milieu professionnel ?
Le futur est entre les mains de la nouvelle génération. Si nous leur offrons une éducation différente dès aujourd’hui, les dirigeants de demain ne se poseront même plus la question de la légitimité d’une femme à prendre un poste à hautes responsabilités. Mais actuellement, les hommes ne sont pas encore assez intégrés au combat pour l’égalité : il est impératif que les garçons y prennent part et aient des role-models féministes (tant masculins que féminins) incarnant cette lutte à leur niveau ! Au-delà d’encourager les jeunes filles à se lancer dans les secteurs « masculins », l’éducation des garçons est clé car elle leur permet d’intérioriser et de normaliser certaines notions. Ailleurs dans le monde, comme au Danemark, la culture est plus homogène, voire matriarcale. Par exemple, les Danois valorisent davantage la période du congé maternité, quand en France, elle est souvent vue comme une contrainte. Là-bas, ce temps passé est considéré comme un investissement humain, ouvrant la voie à de nouvelles compétences. En France, l’histoire du combat pour les droits des femmes est totalement différente, car elle promeut davantage l’émancipation des femmes par le travail, mais cette vision peut être discutée.
Avez-vous mis des actions en place lors de la journée internationale des droits des femmes ?
Le 8 mars, Comète était partenaire de l’événement d’Elisabeth Moreno (ancienne ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes) « La puissance du lien », qui s’est tenu à Paris. Son but ? Mettre en relation des femmes leaders et inspirantes avec des jeunes filles de tous les âges, afin de leur donner accès à des role-models qu’elles n’auraient pas forcément rencontrés en temps normal. Ce programme de mentorat leur offre un accompagnement étalé sur 6 mois, et nous proposons à nos membres d’en devenir les marraines. Nous travaillons également avec l’école de commerce Kedge Business School, afin de former leurs équipes aux moyens d’identifier et de se prémunir des biais de genre.