Crédits photo : RADIO FRANCE/ CHRISTOPHE ABRAMOWITZ
À son inauguration en 2021, quel était le pari d’Epsiloon ? Est-il tenu aujourd’hui ?
Avec ce magazine, nous cherchions à rapprocher la science des citoyens. Nombreux sont en effet ceux qui se sentent mis à l’écart de cette discipline, car trop obscure, nébuleuse ou difficile à comprendre. Aujourd’hui, nous vivons dans une ère de plus en plus marquée par la technologie, dans laquelle chacun expérimente cette modernité et se questionne au quotidien. En fournissant des clés pour comprendre le monde de façon ni poussiéreuse ni effrayante, Epsiloon a plus que jamais sa place. Nous proposons un magazine simple à lire, esthétique et frais. La science est belle et offre des images époustouflantes : autorisons-nous à mettre le beau au premier plan ! Nous sommes fiers d’avoir visé juste et d’avoir réussi à toucher une cible fidèle avec le ton que nous avons créé.
L’information scientifique peut-elle parler à tout le monde ?
La science reste le meilleur moyen de parler du monde actuel : c’est un prisme de lecture duquel on peut tirer des enseignements généraux sur le monde. Chez Epsiloon, nous n’avons pas vocation à transmettre un savoir ni d’ambition de donner des leçons. Notre rôle est d’évoquer l’actualité sous un angle scientifique, en sélectionnant les sujets les plus pertinents pour éclairer nos lecteurs. De cette façon, nous permettons à la science de faire partie de leur univers mental.
La science dit-elle toujours le vrai ? Pourquoi certains n’y croient-il pas ?
La science a une certaine humilité concernant le « vrai », car elle ne dépeint la réalité que de façon momentanée. Toutes les vérités scientifiques sont temporairement vraies, jusqu’à ce qu’un nouveau travail de recherche vienne les bouleverser, les relativiser ou les étayer. La méthode scientifique, par essence, détermine des limites aux faits exposés. Par exemple, au sujet du réchauffement climatique, il est possible de donner des prévisions, mais ces estimations sont toujours accompagnées d’incertitudes, de précautions. Au vu de l’actualité, les lecteurs ont plus que jamais besoin de rigueur. Certains adhèrent à des théories fumeuses car nous fonctionnons tous avec des biais cognitifs, on sélectionne les informations que l’on rencontre pour ne retenir que ce qui va dans notre sens. Pour autant, la complexité du discours scientifique ne doit pas être rebutante. Nous avons ainsi choisi de présenter notre rubrique « Le casse-tête de… » sous forme de labyrinthe, pour assumer la complexité des sujets évoqués. On ne cherche pas à masquer le fait que plusieurs avis sont possibles : au contraire, on le met en avant en exposant les tenants et aboutissants du sujet sans forcément donner de réponse tranchée.
Face aux fake news et à la défiance grandissante envers les médias, quel rôle endosse l’information scientifique ?
Dans le cadre du COVID et du réchauffement climatique, le travail de « fact checking » des journalistes est devenu de plus en plus important. Toutefois, de telles rubriques ne sont pas toujours pertinentes dans un magazine scientifique. Pour moi, le problème doit être abordé autrement : en familiarisant les gens avec la science et en les amenant à se questionner par eux-mêmes plutôt qu’en leur disant quoi penser. Le meilleur moyen de lutter contre le charlatanisme, les fausses informations et les théories du complot, ce n’est pas de donner des leçons au lecteur mais de lui offrir toutes les clés pour comprendre par lui-même : chiffres, cartes, graphiques… C’est une bonne façon d’affuter son discernement sur ce qu’il voit et entend, en utilisant son esprit critique. Face à la défiance croissante envers les médias et les journalistes, nous nous devons plus que jamais de rapprocher le lecteur de nous et de le rassurer, en lui prouvant que nous ne sommes pas défenseurs d’un parti plus que d’un autre. Nous avons une position d’observateur, et notre seule orientation, c’est la rationalité ! D’ailleurs, notre statut de journaliste nous empêche d’avoir un quelconque lien d’intérêt avec un sujet, ce qui nous permet de rester totalement au service du lecteur, et de lui seul. C’est là toute l’utilité sociale de notre métier.