Diane Scemama : « La réponse à la surconsommation doit être plurielle »
Depuis 2017, le mouvement Green Friday lutte contre la surconsommation et sensibilise à son impact sur la planète. Toute l’année, ses fondateurs et adhérents militent pour une consommation raisonnée, transparente et à prix justes. Diane Scemama, à la tête de l’entreprise Dream Act, fait partie des membres fondateurs.
Comment est né le mouvement Green Friday ?
En 2017, les membres du réseau ENVIE ont lancé le Green Friday, symbole de la lutte contre la surconsommation, en réaction au Black Friday. En 2018, plusieurs entités engagées pour une consommation durable et raisonnée (Dream Act, Altermundi, le REFER, Emmaüs…), l’ont rejoint. Aujourd’hui, le mouvement compte environ 200 adhérents annuels, s’engageant à ne pas mettre en place de réductions trop importantes le jour du Black Friday ni les autres, à vendre leurs produits au prix juste toute l’année, et à reverser 10 % de leur chiffre d’affaires du jour à nos associations partenaires. Notre but ? Créer un alliage d’acteurs qui se complètent (structures de l’ESS ou de la seconde main, acteurs du neuf responsable…), car la réponse à la surconsommation doit être plurielle. Nos adhérents sont des militants du prix juste et de la transparence, car derrière un objet, il y a des Hommes. Si une enseigne vend ses produits à prix cassés, il y a forcément un point noir dans sa fabrication.
Peut-on chiffrer l’impact du Black Friday ?
Une étude Deloitte menée en 2020 montre que plus de 6 Français sur 10 font des achats lors du Black Friday. Selon Poulpeo, le budget moyen des Français durant cet événement est de 330 euros. Contrairement aux idées reçues, le Black Friday n’est pas bon pour le pouvoir d’achat car il pousse à la consommation en créant le besoin. De plus, les enseignes qui affichent des prix cassés modifient souvent leurs prix de base pour gonfler leurs réductions, et vendent des produits peu rentables à long terme car peu durables. Une étude montre d’ailleurs qu’un quart des produits achetés ce jour-là par les consommateurs de moins de 30 ans sont retournés dans les mois qui suivent. 30 % d’entre eux finissent par être détruits. Cet événement a de véritables conséquences sur notre santé et celle de ceux qui fabriquent ces produits.
Quels gestes adopter pour consommer de façon responsable ? Est-ce forcément synonyme de privation ?
Une étude de la MAIF s’est récemment penchée sur l’opinion des Français sur le Black Friday, et a mis en avant un changement dans leurs habitudes de consommation, montrant une véritable envie de consommer de façon plus raisonnée. Pour cela, on peut adopter des gestes simples. Dans le secteur du prêt-à-porter, on peut notamment se poser 3 questions : « Est-ce que j’aurai encore envie de cet article dans 3 jours ? », « Est-ce que j’ai au moins 3 autres tenues qui vont avec cette pièce pour pouvoir la porter facilement ? » (1/3 de nos dressings ne sont jamais portés !), et « Est-ce que je porterai ce vêtement pendant au moins 3 ans ? ». Ces questions peuvent aussi s’appliquer à d’autres secteurs : « Vais-je utiliser cet appareil électro-ménager plus de trois fois dans l’année ? », etc. Il faut abandonner l’idée que la consommation raisonnée est coûteuse, car il est souvent plus rentable d’acheter un vêtement de bonne qualité que 10 articles à bas prix. Acheter responsable et se faire plaisir ne sont pas deux pratiques incompatibles, mais il est nécessaire que nous changions de paradigme pour passer du plaisir immédiat et compulsif au plaisir réfléchi. On peut ressentir du bonheur à l’idée de savoir comment un produit est fabriqué, être satisfait de créer des emplois en l’achetant, de soutenir des savoir-faire, de redonner vie à une matière, etc.
Alors que le Greenwashing est monnaie courante, comment identifier un produit responsable et durable ?
Certains labels peuvent guider les consommateurs dans leurs achats, comme Ecocert ou GRS, qui certifie les fibres recyclées, ou encore GOTS, qui certifie le coton bio. Mais faire un achat responsable exige surtout du bon sens et de la vigilance, puisque certains labels sont créés par les enseignes elles-mêmes, à la fois juges et arbitres. Pour éviter les arnaques, il faut exiger de la transparence et du sens de leur part : se méfier si elles proposent des matières recyclées à prix complètement bradés, etc. Il s’agit d’être curieux, d’aller plus loin, même s’il n’est pas toujours évident de s’y retrouver. C’est pourquoi le mouvement Green Friday se pose ces questions à la place des consommateurs, afin de leur éviter ce travail chronophage. Nous votons d’ailleurs l’acceptation de nos adhérents, afin de s’assurer qu’ils ne pratiquent pas de Greenwashing.
Vous êtes fondatrice de l’entreprise Dream Act. Comment vous êtes-vous lancée dans ce projet ?
Tout a commencé au retour d’un voyage dans le Sud de l’Inde. J’y ai rencontré des femmes travaillant dans l’industrie du coton, et constaté les ravages de la fast-fashion. À mon retour en France, j’ai compris que consommer mieux nous évitait de devoir aller au bout du monde pour réparer nos erreurs. Nous étions deux étudiantes à l’époque, avec la contrainte d’acheter des produits peu chers. Nous avons fondé cette boutique en ligne pour donner à chacun la possibilité d’acheter responsable en respectant son budget, et simplifier la vie de tous. Notre liste d’enseignes comprend environ 1 200 marques, spécialisées dans la mode éthique, le mobilier durable et les cosmétiques naturels. Nous sélectionnons nos enseignes selon un procédé précis : entretien avec le fondateur de la marque pour juger de la sincérité de sa démarche, évaluation de l’utilité du produit, de son prix, de sa qualité et de son esthétisme, questionnaire d’auto-évaluation, etc. En cas de doute, nous faisons appel à des bénévoles experts dans leur domaine (médecins, dermatologues, etc.), qui nous aident à analyser les aspects techniques que nous ne maîtrisons pas.