Pierre-Alix Lloret : « Les citoyens doivent prendre conscience de leur pouvoir d’influence »
En 2020, François et Pierre-Alix lancent le projet 2tonnes (référence à l’Accord de Paris, ayant fixé un niveau d’émissions de CO₂ viable à 2 tonnes par personne) pour sensibiliser le grand public à la transition bas-carbone. Leur but ? Relever le défi de taille qu’elle représente en misant sur un atelier de sensibilisation immersif et participatif.
Pourquoi avoir lancé le projet 2tonnes ? Quels sont ses enjeux et ses objectifs ?
J’ai commencé à me spécialiser dans l’environnement en lançant une entreprise en Argentine, afin d’aider les artisans du monde viticole à consommer moins d’énergie. À mon retour en France, j’ai rencontré François, qui venait de créer l’atelier 2tonnes, et je l’ai tout de suite trouvé génial. Misant sur le concret, cet atelier en intelligence collective propose aux participants de faire des choix d’action en jouant avec leurs propres données d’émissions de CO₂. En endossant des rôles de leaders nationaux (gouvernement, entreprises…), ils se concertent pour définir un scénario de transition compatible avec les engagements de l’Accord de Paris. Le but est de mettre en avant l’impact de chacune de nos actions et de pointer les plus pertinentes, tout en prenant connaissance des transformations nécessaires pour atteindre l’objectif fixé. L’occasion de donner des repères aux citoyens, afin qu’ils puissent prioriser leurs démarches.
Quelle est la différence avec la Fresque du climat ?
Notre atelier compte aujourd’hui 23 000 participants et 1 600 animateurs bénévoles dans le monde. Il s’inspire de la Fresque du climat dans son approche pédagogique participative, mais aussi dans son modèle de développement : mettre en place des outils de formation et une licence d’utilisation ouverte pour que chacun puisse s’approprier l’outil, ce qui permet sa diffusion exponentielle. Si la Fresque du climat apporte des connaissances sur les mécanismes du dérèglement climatique et ses conséquences, 2tonnes se concentre sur des solutions, ce qui les rend très complémentaires. Notre atelier peut être décliné dans les écoles supérieures, auprès des pouvoirs publics, ministères, municipalités, départements ou entreprises. Pour que nos données soient fiables, nous nous basons sur des sources de référence, comme le scénario négaWatt, l’ADEME, les données de l’INSEE, de l’OCDE, etc. Cela nous permet de modéliser de façon quantifiée l’impact d’actions individuelles et collectives sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il existe une version française de l’atelier, mais aussi une version internationale, pour que nous puissions proposer des scénarios de transition adaptés à chaque pays.
Pourquoi avoir choisi de miser sur l’aspect participatif et immersif ? Le divertissement est-il un moyen de sensibilisation plus impactant ?
Nous souhaitons amener les gens à s’interroger sur la réponse qu’ils souhaitent apporter au changement climatique. Nous avons décidé d’utiliser une méthode participative et immersive pour les mettre en position de responsabilité. L’aspect ludique est essentiel car il permet aussi de mieux retenir ce que l’on apprend, et de s’impliquer davantage dans l’exercice. Pour nous, l’engagement écologique peut ne pas être vu uniquement comme une obligation ni comme une contrainte, mais aussi comme l’opportunité de relever un défi, de réinventer des modes de vie et de résoudre des problèmes de nature sociale ou démocratique. 2tonnes a d’ailleurs participé au défi le plus constructif de cette rentrée : Z Event, sur l’invitation de Time for the Planet. Nous avons fait une apparition dans leur stream durant une heure, autour d’un jeu de rôle géant. Z Event parle au public car c’est un projet qui part d’une ambition sérieuse, tout en gardant un aspect divertissant et inspirant. Chez 2tonnes, nous nous reconnaissons dans ce type de démarche car nous pensons que c’est un excellent moteur pour l’engagement.
Quelles actions peut-on mettre en place pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre ?
Un Français émet en moyenne 10 tonnes de CO₂ par an. Le premier poste d’émissions reste le transport, notamment avec l’avion et la voiture. Diminuer leur usage est une excellente piste. On peut aussi commencer par réduire sa consommation de viande et d’énergie, notamment en utilisant une source moins polluante (par exemple en passant à la pompe à chaleur, qui rejette 3 à 4 fois moins de CO₂ qu’une chaudière classique). Mais il faut aussi miser sur les actions collectives : encourager l’économie circulaire, élargir l’offre de transports publics, faire de la pédagogie et de la sensibilisation dans les établissements scolaires, etc. Pour passer de l’individuel au collectif, notre but est de mettre tous ces acteurs en mouvement. Car les citoyens ont un pouvoir d’influence important, mais ils doivent prendre conscience de son ampleur et de son potentiel pour le mettre à profit.
Pouvez-vous me raconter l’opération que 2tonnes a dernièrement animée dans les trains de la SNCF ?
Nous avons animé l’opération « En train pour le climat » dans le cadre d’un partenariat avec la SNCF, afin de cocréer des ateliers pédagogiques sur la transition écologique. Ces animations étaient proposées sur 35 trajets différents, dans le wagon bar des trains concernés. Les voyageurs étaient invités à y participer gratuitement, dans la limite d’une vingtaine de places. Nous avons réuni des publics très différents, et avons réussi à créer un débat constructif entre des voyageurs jeunes et moins jeunes, de tous les milieux sociaux et de tous les bords politiques. La magie a rapidement pris entre chacun : leur enthousiasme et leur implication faisaient plaisir à voir ! Permettre à des inconnus de débattre sur le climat sans se crêper le chignon, c’est un rêve de gosse qui se réalise. Au vu de ce succès, nous réfléchissons à reconduire l’opération. Notre feuille de route pour demain ? Passer de 23 000 à 100 000 participants à l’atelier d’ici l’été prochain !
