Les Ressources Humaines sont en plein bouleversement. Quels sont les changements les plus notables ?
Ces dernières années, les bouleversements dans les Ressources Humaines ont été exponentiels. Tout d’abord, un véritable enjeu s’est dessiné autour de la santé au travail. En témoignent la parution de plans Santé Travail tous les 4 ans. Ils ont apporté une certaine conscience politique aux pratiques managériales, notamment sur les thématiques du sexisme et de la parité. Parallèlement, la crise du Covid a accéléré beaucoup de choses. D’abord, en ce qui concerne l’hybridation du travail : au-delà du télétravail, la pandémie a poussé les entreprises à repenser leurs modèles et leur organisation, ainsi que la place et les tâches de chacun. Enfin, les collaborateurs expriment un ras-le-bol lié au fait de ne pas trouver de sens dans leur métier. Au niveau sociologique, cette quête de sens généralisée peut se refléter très différemment selon les générations. C’est au manager de faire coexister tous ces questionnements au sein de l’entreprise.
La crise sanitaire est-elle la seule cause de la vague de démissions à laquelle les entreprises sont confrontées ces derniers temps ?
Le phénomène de « Grande Démission » auquel on assiste n’est pas sans précédent, puisqu’une situation similaire s’est déjà présentée en 2008. Cette vague de démissions en série est à mettre en relation avec les tensions existantes sur le marché de l’emploi. On constate, de façon assez surprenante, que les gens qui quittent leur poste sont majoritairement en CDI. Lorsqu’on se penche sur les raisons de leur départ, on s’aperçoit qu’ils abandonnent leurs fonctions en faveur d’un emploi qui a plus de sens pour eux, et surtout qui leur offre un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Face à une quête de sens généralisée, comment les entreprises peuvent-elles continuer à recruter/ conserver leurs talents ?
Les entreprises doivent faire l’effort du récit, se définir une mission et une raison d’être concrètes. Au-delà de l’aspect marketing et financier, ce récit doit être pensé en termes de société. Seule cette intention peut nourrir les collaborateurs, car elle soulève de véritables questions et reflète une volonté de faire bouger les choses. La confiance qu’une entreprise a en ses salariés est également cruciale. Nous devons inspirer nos pratiques managériales de ce que la société est actuellement, afin de les rendre plus collaboratives, plus solidaires, plus basées sur la confiance et l’autonomie, et moins sur le contrôle. Pour que l’organisation des entreprises soit plus apprenante, il est indispensable qu’elles mettent en place des formations récurrentes sur les hard et soft-skills. Dans un monde où tout s’accélère, la formation dure toute une vie, car il faut être capable de s’adapter en permanence.
Quelles opportunités sont offertes par la digitalisation du secteur RH ?
L’Intelligence Artificielle est vouée à s’insérer de plus en plus dans les formations proposées tout au long d’une carrière. Le fantasme de l’automatisation se concrétise déjà aujourd’hui, avec l’apparition de plateformes capables de gérer tout le parcours du collaborateur dès son on-boarding. Ces outils de talent management sont prédictifs et permettent de leur proposer la meilleure expérience utilisateur. Mais quand tout est possible, il faut savoir ce qui est souhaitable. Autrement dit, ne pas oublier de ramener de la rationalité et de l’humain dans l’utilisation de ces plateformes. Malgré les opportunités offertes par la digitalisation, il faut continuer à accompagner nos collaborateurs, à les faire réfléchir par eux-mêmes et à leur permettre de développer leur sens critique, afin de ne pas dépendre de ces outils. Nos collaborateurs seront toujours forts de leur humanité, de leur solidarité et de leurs valeurs s’ils continuent à évoluer dans un système qui les soutient.