Podcasts, bande-dessinée, jeux de rôles : vous mettez votre esprit créatif à l’épreuve de multiples supports et formats. Comment définiriez-vous votre approche de l’imaginaire ? Qu’est-ce qui vous anime ?
J’ai une formation d’ingénieur et je travaille comme tel dans la création. En général, sur un gros projet, on a une attente client, un support média spécifique, un cast de gens, un angle éditorial… Finalement, il faut prendre la meilleure décision créative en équilibrant toutes ces contraintes. Il reste très peu d’aléatoire, et quand on a un surcroît de liberté, on en profite pour faire de nouvelles choses. En définitive, tout se fait de façon logique.
Y-a-t-il une plateforme ou un format qui vous séduit plus que les autres ?
Aujourd’hui ce sont Twitch et Tiktok qui ont une audience qualitative et quantitative réelle issue des média plus traditionnels. J’essaie toujours d’embrasser les nouveaux médias dès qu’ils performent. C’est à la fois très excitant intellectuellement, et ça permet d’avoir des clients très satisfaits.
Quel est le réseau qui favorise le plus les interactions avec votre communauté ? Où sentez-vous le plus d’engagement ?
Je m’épanouis beaucoup sur Twitch qui tient une promesse jamais vraiment tenue par la télé : celle de l’ultra transparence et de l’ultra real TV (la real TV classique étant scriptée par nature, on pourrait parler de fake TV), avec en plus une culture du direct total, et des règles simples qui favorisent les bosseurs. Il y a un nouveau star system qui fonctionne moins par coup de bol et cercles endogènes que dans les médias traditionnels. Le star system est également sous un aspect vertueux : c’est parce que telle personnalité sera sur une chaîne que la chaîne performera, et pas parce qu’on est sur la chaîne de la personnalité. Il y a une relation personnelle et quasi intime avec les spectateurs. Enfin, la transparence des audiences permet de calculer des retours sur investissements précis, et d’élaborer des stratégies sur du solide. Twitch fonctionne de pair avec l’outil Discord, qui est son pendant « hors ligne » et qui permet de consolider une communauté.
L’invitation au voyage semble être l’un des fils rouges de vos œuvres. C’est une thématique qui vous tient à cœur ?
On sort de deux ans de confinement… Le voyage est de plus aujourd’hui un dilemme écologique, voire une source de culpabilité. En mettre dans la fiction permet de travailler sur ces frustrations et de donner de la joie et du rêve aux gens.
Vous avez animé, en partenariat avec Franceinfo, le jeu de rôle Les Deux tours à l’occasion de l’élection présidentielle. Comment est né ce projet ? Quelle a été votre ambition ?
L’idée était d’apporter une culture politique non intrusive aux jeunes. On a un proverbe en interne qui dit « Instruire et non éduquer ». On donne des informations et le spectateur prend ses décisions face à lui-même. L’outil Twitch permettait de toucher une population absente des médias comme la TV qui sont paradoxalement le théâtre de la présence politique. Par ailleurs, notre émission est une simulation plutôt qu’un tour de table d’opinion. Il est facile (et peu onéreux) pour des chaînes d’information continue de mettre des experts autoproclamés mais castés pour leur grande gueule, sinon leur faible capacité intellectuelle – peut-être pour flatter l’ego des +65 ans qui regardent leurs émissions – , pour réagir à des événements. Mais la valeur ajoutée est inexistante. Nous ne posons pas la question « Qu’en pensez-vous ? » mais « Que feriez-vous si (vous étiez à la place de Macron par exemple) ? » Cette idée, associée à un travail préalable de fond peut permettre de susciter le débat auprès des spectateurs et de faire ressortir la nuance des situations. Oui, souvent les politiques prennent des décisions qui nous semblent absurdes ou révoltantes, mais tout le paradoxe c’est qu’à leur place, dans le même contexte, avec le même niveau d’information, on aurait certainement fait pareil.