Le début d’année a été marqué par deux pétitions en ligne qui ont été massivement partagées et signées : celle de soutien à l’apprenti boulanger Laye Fodé Traoré et celle de désolidarisation des revenus de l’AAH. Quel regard portez-vous sur ces deux mobilisations ?
Un regard d’espérance face à des pétitions capables de réunir des personnes sur des sujets très polarisants mais qui partagent des idées communes : la solidarité, le partage, la justice etc. Dans le cas de Laye Fodé Traoré, l’image de la boulangerie, élément emblématique de notre culture commune, a joué un rôle de connexion assez fort. Ce qui est le plus marquant est que Stéphane Ravacley ne disposait pas d’un réseau particulièrement développé et pourtant la mobilisation s’est faite très vite grâce au relais de ses proches, puis des autres artisans, et enfin des politiques interpellés par cet élan de solidarité. Depuis, une quinzaine de pétitions similaires ont vu le jour, mettant en lumière la situation de nombreux autres artisans et de leurs apprentis. A une époque de polarisation de l’opinion, et où il est difficile pour les gens de se retrouver, de vrais mouvements de solidarité émergent sur des questions complexes.
Les pétitions en ligne sont-elles une façon de créer du lien ?
Le fait que ces plateformes soient ouvertes à des sujets multiples, de personnes venant d’horizons très différents, est un moteur de lien. Nous expliquons souvent aux initiateurs de pétitions de ne pas faire de tribune politique, mais de créer de l’empathie. C’est ce qu’il s’est passé avec les pétitions citées : on sort du débat et on entre dans la réalité, dans la vie d’hommes et de femmes. A l’ère de la polarisation, il est important d’avoir des histoires pour donner corps aux idées. Les Réseaux Sociaux jouent un rôle essentiel pour mobiliser des communautés déjà établies. Quand Change.org a été lancée, les mails étaient le principal moyen de partage. Aujourd’hui, la pétition pour la désolidaration des revenus de l’AAH a connu un écho très fort sur Instagram notamment, relayé par de nombreux comptes influents.
Derrière chaque mobilisation il y a une belle histoire ?
Depuis que l’on est enfant, ce sont les histoires qui nous permettent de construire nos socles de valeur (solidarité, égalité, justice etc.). L’action civique doit s’appuyer aussi sur ces mêmes outils : au-delà du story-telling de la campagne elle-même, c’est la façon dont elles sont menées par des personnes qui partagent leurs vécus, comment elles sont partagées qui jouent un rôle dans l’écho qu’on leur accorde. Un récit permet de mobiliser au-delà des groupes et de renforcer les liens.