Si l’on prend la vaccination par exemple, qui fait aujourd’hui l’objet de questionnement et de doute, on constate que la moitié des articles de presse qui y sont consacrés l’analysent sous l’angle économique : résultats financiers des laboratoires, prix du vaccin, fusions/acquisitions… « On voit également l’apparition de termes anxiogènes comme Big Pharma, désignant les plus grands laboratoires pharmaceutiques du monde, utilisé au même titre que l’acronyme GAFAM », explique Michael Landry. Cela témoigne d’une défiance vis-à-vis des acteurs du monde de la santé qui, même si elle a amorcé sa désescalade, est toujours très présente au sein de la société. Dans un tel contexte, comment les acteurs de la santé peuvent-ils communiquer ? Quels sont les enjeux de leurs relations avec les publics ?
Entre pédagogie et sensibilisation
Les laboratoires ont tout d’abord un rôle pédagogique dont ils doivent s’emparer et sur lequel axer leur communication. Ce qu’il est désormais convenu d’appeler marketing d’influence constitue ainsi un levier efficace pour ces entreprises, en combinant digital et influence, pour toucher le plus grand nombre. « Les partenariats peuvent avoir une résonnance très importante auprès des publics. Pfizer s’est par exemple associé à l’influenceuse Mademoiselle Gloria qui bénéficie d’une audience de 1,8 million d’abonnés. L’objet de cette alliance : une campagne pour sensibiliser les jeunes aux risques de contagion de la méningite ». Le laboratoire pharmaceutique Biocodex s’est quant à lui rapproché de la Cité des Sciences dans le cadre de l’exposition « Microbiote », qui s’est terminée le 4 août dernier. « Un bon exemple de laboratoire très investi dans ce type d’actions : création du Biocodex Microbiota Institute, dossiers thématiques à destination des professionnels de santé, activation digitale, etc. ». Des approches innovantes dans ce secteur, qui permettent à ces acteurs de se positionner sur les enjeux de santé publique, de donner plus de sens à ce qu’ils entreprennent, et de le faire savoir.
Un devoir de vérité
Le phénomène des Fake News n’épargne pas le domaine de la santé. Au contraire, les informations erronées, voire malveillantes, se propagent à vitesse grand V, notamment sur les réseaux sociaux. Les laboratoires ont-ils un rôle à jouer dans cette bataille de l’information ? Pour Gaëlle Ryouq, c’est oui. « Avec le développement des réseaux sociaux et des forums, le grand public s’exprime de plus en plus sur des sujets spécialisés. Le débat s’est déporté d’échanges entre spécialistes et scientifiques dans des instances dédiées, à un débat sur la place publique. Les laboratoires, bien que leur vocation première soit BtoB, se trouvent ainsi interpellés et en interaction avec le grand public ». Essilor, concepteur et fabricant de verres correcteurs et équipements ophtalmiques, a par exemple lancé des alertes Vrai/Faux afin de faire le tri dans l’actu et de délivrer une information honnête au public. « Au-delà des Fake News, il y a une communication de la vérité qui doit être entreprise face à des articles de presse qui peuvent, faute de temps ou d’espaces pour développer, être imprécis, ou incomplets.
Les opportunités du numérique
Le digital est un territoire d’expression dont certains laboratoires hésitent encore à s’emparer, mais qui s’impose pourtant comme un incontournable. « De nouveaux acteurs de l’e-santé sont en train de prendre une place de plus en plus grande en tant que relais d’opinion. Logiquement, les médias s’y intéressent et leur accordent encore plus d’importance, que ce soit dans leurs colonnes, ou sur leurs plateaux de télévision. Les laboratoires ne peuvent se laisser distancer de cette façon ». Cette présence doit s’accompagner d’un impératif de transparence et de sincérité.Les réseaux sociaux sont de formidables caisses de résonnance pour de tels dispositifs. « Pour démythifier leur image, les laboratoires pourraient par exemple capitaliser sur des contenus « coulisses », et montrer comment leurs équipes travaillent au quotidien ou encore comment fonctionne le remboursement d’un nouveau traitement », ajoute Gaëlle Ryouq. Autre prérogative des réseaux sociaux : faciliter la démarche « patient centric » en instaurant une forme de dialogue avec des associations de patients, par exemple.
Les industriels du monde de la santé sont confrontés à une problématique centrale : entraitant de sujets complexes au capital émotionnel fort (fin de vie, maladie, bioéthique, etc.), leur activité est scrutée avec attention et déchaîne vite les passions. Plus que jamais la confiance est au centre des enjeux d’influence.