« C’est la capacité de croire à des histoires qui nous rend humains »
On ne le présente plus. L’enfant prodige du théâtre, celui dont les pièces (Le porteur d’histoires, Le cercle des illusionnistes, Edmond et Intra muros) ont attiré plus d’un million de spectateurs et dont le talent a été consacré par plusieurs Molières, arrive dans les librairies à la rentrée avec son premier roman, Loin (Albin Michel). Quel que soit le flacon, Alexis Michalik a l’ivresse des histoires. Plume de la scène ou plume du papier, peu importe : son panache de conteur-né le suit où qu’il aille.
Vous vous inspirez particulièrement de la littérature du XIXème (Dumas, Rostand). Pourquoi ? Est-ce que l’emploi de la langue française à cette époque et par ces auteurs avait quelque chose de particulier ?
Je suis un homme de théâtre : l’histoire de cet art m’intéresse donc particulièrement. Or, dans le Paris du XIXème siècle, le théâtre connaît son apogée. On redécouvre Shakespeare ; des auteurs comme Feydeau, Musset, Rostand, Labiche rencontrent un succès fou. Paris change de visage, avec les grands travaux menés par Haussmann. C’est aussi l’époque de l’âge d’or de la littérature d’aventures : les romans feuilletons tiennent en haleine des milliers de lecteurs. C’est pour tout cela que j’aime cette période et qu’elle m’inspire.
Dumas était un grand conteur – il mettait l’histoire au premier plan, même si cela se faisait au détriment de la technique et du style (ce qu’on lui a souvent reproché). Qu’en pensez-vous ? Le plaisir que l’on retire d’un récit est-il supérieur à celui des mots ?
Chaque écrivain a sa vision des choses. Chez Romain Gary par exemple, chaque phrase compte, le style est extraordinaire. Dumas, lui, est un raconteur d’histoires. Dans l’écriture moderne, il serait un auteur de scénario : son but est d’accrocher le lecteur, de lui donner envie d’acheter le numéro suivant. Je me prévaux d’appartenir à cette classe-là : je fais toujours passer l’histoire avant tout.
Le « storytelling » n’est plus l’apanage de la littérature. Il est aujourd’hui utilisé par les marques, les entreprises pour attirer les consommateurs et convaincre leurs publics, ce qui peut parfois conduire à une certaine uniformisation des messages. Comment garder du sens et de l’originalité dans une histoire ? Quelles sont les règles d’une bonne histoire ?
A mon sens, une bonne histoire est celle qui fait naître une émotion. Les histoires me viennent par trois biais. Soit par ce que je vis (une rencontre, par exemple), soit par ce que je lis (une anecdote sur une personnage célèbre), soit par ce que j’entends (une situation qu’on me raconte). Ces trois sources d’inspiration sont liées par un point commun : à l’origine, il y a une émotion.
Vous êtes comédien, metteur en scène et désormais écrivain : votre livre Loin sort en septembre. De quoi va-t-il parler ? Pourquoi être passé du théâtre à la littérature ?
J’aime me renouveler, et l’histoire que je voulais raconter ne se prêtait ni à une pièce, ni à un film. Je l’ai mûrie, travaillée, peaufinée pendant trois ans pour en faire un roman. C’est un exercice qui demande une sacrée discipline : je suis admiratif des écrivains, qui effectuent un travail solitaire. Tandis que, moi, je suis un homme de troupe. Loin sort le 4 septembre aux éditions Albin Michel. C’est un roman d’aventures, centré autour du voyage. Voyage géographique d’abord, à travers l’Europe, mais aussi intérieur et généalogique. Antoine, Anna et Laurent partent à la recherche de leurs origines, sur les traces de leur père, Charles, qui a disparu vingt ans auparavant.
On avait prédit la mort du livre, et pourtant, il survit. Qu’est-ce que la lecture vous a apporté ?
Mais qui a prédit la mort du livre ?! Il y a des arts, comme le théâtre ou la littérature, qui existeront toujours. L’homme se nourrit d’histoires, il en a besoin pour se réinventer, pour avancer. Il a besoin de croire en quelque chose, sinon il s’arrête d’aimer, de travailler, de construire, de vivre. Finalement, c’est ce qui nous rend humains, cette capacité de croire à des histoires.