Médias : la longue route vers l’égalité entre hommes et femmes
La question de l’égalité entre les hommes et les femmes est au cœur de l’actualité, en politique comme ailleurs. Une intelligence artificielle a récemment analysé le temps de parole des femmes et des hommes dans les médias. Le résultat est sans appel. Les femmes y parlent deux fois moins que les hommes. Nous avons rencontré Françoise Laborde, fondatrice de l’association « Pour les femmes dans les médias », qui œuvre à soutenir les femmes et promouvoir leur image dans le paysage médiatique français.
Vous avez été membre du CSA, organisme qui a déjà mené des études sur la représentation des femmes dans les médias. Comment cette place des femmes évolue-t-elle ? Le journalisme est-il un milieu « masculin » ?
Lorsque j’ai commencé ma carrière de journaliste, les femmes étaient cantonnées à des sujets dits « féminins », comme l’éducation, la famille ou la mode – ce que l’on appellerait aujourd’hui le lifestyle. Elles ont dû mener différentes batailles pour sortir de ce cadre stéréotypé. Une des conquêtes les plus importantes a été celle du grand reportage, auparavant réservé aux hommes. Qui aurait pensé à envoyer une femme dans un pays en guerre ? Pour eux, nous étions des petites choses fragiles en talons aiguilles, incapables d’aller sur des terrains dangereux… C’est ce genre de cliché qui a rendu la tâche difficile. Mais, bien que l’évolution soit lente, les temps changent. Des femmes peuvent aujourd’hui accéder à des fonctions de direction, comme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, Sibyle Veil, présidente de Radio France, ou encore Laurence Bloch, directrice de France Inter.
En 2011, vous avez coécrit Ne vous taisez plus ! avec Denise Bombardier, un livre dénonçant le machisme ambiant, sans pour autant tomber dans le « militantisme aveugle » …
Je pense que la limite doit être claire entre, d’un côté, la camaraderie un brin chahuteuse entre hommes et femmes, et de l’autre, le véritable harcèlement, celui que l’on tait bien trop souvent. Bien sûr il y a ce vieux mythe de la séduction à la française, et de l’esprit et du charme des femmes françaises, issu du Siècle des Lumières. Ne détruisons pas ce legs d’une époque éclairée ! Mais soyons attentifs à ne pas le laisser déraper vers des actes inadmissibles. L’affaire du Sofitel aurait, par exemple, dû être traitée plus sévèrement. Pourquoi avoir alors cherché des excuses à DSK, plutôt que de le condamner et dire que ce type de comportement est incompatible avec des responsabilités publiques ?
Vous avez créé il y a plus de dix ans l’association « Pour les femmes dans les médias » avec Laura Lemens Boy. Quelle a été l’origine de cette initiative ?
Il existait à l’époque des associations de femmes partout dans le monde, sauf en France ! Pour y remédier, nous avons voulu constituer cette association, sur un modèle de think tank, en rassemblant des dirigeantes de médias soucieuses de l’image et de la place des femmes dans ce milieu.
Quelles actions menez-vous ?
Notre but est de valoriser les femmes dans les médias, en sensibilisant les responsables économiques, sociaux et institutionnels, en fonctionnant comme un réseau d’entraide, notamment pour la jeune génération, et en favorisant la circulation de l’information au travers d’études par exemple. Le 13 mars, nous réunissons au Ministère de la Culture les signataires de la charte que nous avons élaborée, en présence de Franck Riester, ministre de la Culture et avec le soutien de Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Un bel engagement contre les actes sexistes et le harcèlement ! Chaque année, nous organisons également les Trophées PFDM. L’occasion de remettre un prix à des femmes inspirantes, qui contribuent à améliorer l’image et la place des femmes dans la société.
Quelle est votre vision sur le futur des femmes dans cette profession ? La génération Z, peu attachée à la notion de genre, va-t-elle faire faire disparaître cette opposition entre hommes et femmes ?
A mon sens, ce n’est pas en refusant l’altérité, les différences de genre qu’on arrive à l’égalité. Il faut surtout combattre les stéréotypes et revenir au bon sens. C’est le talent qui compte, pas le sexe. Un bon journaliste est un bon journaliste, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Point.