La nouvelle génération n’en fait-elle K sa tête ?
La génération K fait l’objet de beaucoup de fantasmes et d’interprétations depuis plus de 2 ans. Assimilée symboliquement à Katniss Everdeen (d’où le « K »…) de la saga Hunger Games, cette génération serait rebelle, réticente à toute autorité mais dotée d’un sens du devoir et du sacrifice. Des valeurs humaines « scénarisées » qui prendront une toute autre importance dans quelques années, lorsque cette génération bouleversera le monde du travail et de la consommation.
Why brands should care about Generation Katniss ?, se demandait Kate Magee sur le site Campaignlive.co.uk, à la suite de l’analyse faite par l’économiste anglaise Noreena Hertz de 2 000 jeunes filles occidentales nées entre 1995 et 2002. Le résultat de cette étude ? Après les générations X, Y et Z (la K étant pour certains une sous-génération de la Z), la génération K serait encore plus généreuse et créative que les précédentes, mais aussi plus anxieuse et donc encline à la solitude. Face aux marques et aux employeurs, à l’image de Katniss Everdeen, l’héroïne de la saga dystopique Hunger Games, la génération K se lèvera, seule au monde et rebelle, pour devenir l’actrice principale de changements majeurs dans la société.
Génération défiante
Digital Native, cette génération est surtout celle de la méfiance, notamment envers les entreprises et les institutions traditionnelles. Un chiffre pour illustrer ce sentiment : 6 % seulement des personnes interrogées pensent que les grandes entreprises prennent les bonnes décisions (chez les adultes, c’est 60 %). De la même manière, 10 % pensent que le gouvernement fait de bons choix. Une importante remise en cause de leur environnement, qui peut engendrer l’inquiétude de ne pas trouver un travail (86 %) ou la peur d’avoir des dettes (77 %). En effet, si je n’ai confiance ni en l’Etat ni dans les entreprises, où vais-je travailler ? Surtout si l’on y ajoute la frustration de cette génération face aux inégalités hommes-femmes, notamment en matière de salaires, ou encore vis-à-vis des inégalités économiques, sociales et raciales.
Schizophrénie contemporaine
Définir précisément une génération et donc des milliers d’individus est un travail de longue haleine. Le dernier ouvrage1 du mythologue et spécialiste des marques Georges Lewi a réussi à mettre en exergue les grands traits de caractère de ces générations, leurs valeurs, leurs ambitions, comme il l’explique dans une interview du Brand News Blog. De notre côté, nous pouvons modestement faire ressortir des tendances, à l’image de ce mélange explosif d’hypersensibilité et d’hypermaturité. Dans ce contexte, quel doit être le comportement des entreprises face à cette défiance ? Comment créer un environnement propice à l’épanouissement de telles personnalités ? Les marques n’ont comme solution que de s’adapter, en s’appuyant sur les critères de fond et de forme qui émanent du profil professionnel type de la génération K.
Les K sont hyperactifs et indépendants sur la forme…
Née dans un monde où tout est à portée de main, la génération K est autonome, autodidacte et intensément concernée par son avenir professionnel, à l’image des 90 % de jeunes filles interrogées qui affirment que leur carrière est primordiale. Cependant, cette ambition s’inscrit difficilement dans l’entreprise traditionnelle, ne serait-ce qu’à cause des rapports hiérarchiques, « has been » à leurs yeux. Le management sera ultra humain, transparent (voire invisible) ou ne sera pas. Les K ont besoin d’être constamment libres, dans leurs projets, leurs horaires mais aussi leurs locaux. L’explosion des espaces de coworking et la banalisation du télétravail répondent bel et bien à une demande grandissante. Des évolutions auxquelles on peut ajouter l’augmentation du nombre d’autoentrepreneurs, et la démocratisation des slasheurs, qui répondent l’un et l’autre aux besoins d’indépendance et d’hyperactivité.
… et en recherche de sens et de bien-être moral sur le fond
Les K veulent travailler autrement, mais souhaitent surtout savoir pourquoi et pour qui ils travaillent. Cette attente est inhérente au groupe socioculturel des créatifs culturels mis en lumière par le sociologue Paul Ray et la psychologue Sherry Anderson : les K sont préoccupés par l’écologie, par la consommation responsable ou les discriminations. Ils veulent aider les autres et sont majoritairement engagés dans des associations. Altruistes, ils sont portés par la quête d’un Graal moral à chaque étape de leur parcours professionnel. Contrairement aux anciennes générations, ils mettront un point d’honneur à ne pas travailler pour une marque positionnée à l’opposé de leurs valeurs, et il en va de même pour leurs achats, lorsqu’ils mettront leur casquette de consommateur.
Comprendre et agir face aux diktats du « tout, tout de suite »
Plus encore, les K sont perpétuellement en quête de sens2 et veulent être acteurs de changement social. Pour qui je travaille ? Pourquoi et pour quoi ? Est-ce que j’en ai vraiment envie ? Cette entreprise ou cette marque est-elle crédible ? Légitime ? Sérieuse ? Responsable ? Beaucoup de questions qui demandent de nombreuses réponses : bien au-delà d’un tweet de 280 caractères ou d’un communiqué de presse bien ficelé, la génération K souhaite reprendre le contrôle de son temps, comme consommateur ou dans ses missions professionnelles.
Certes, cette description donne peut-être l’impression d’enfoncer une porte ouverte : beaucoup de valeurs sont très génériques et semblables à celles des générations X et les Y. Mais à la différence de ses aînées, la génération K a un besoin viscéral d’éthique, de sens et de changement, valeurs pour lesquelles elle ne restera pas les bras croisés. Elle agira, et si une marque ou un employeur ne prend pas en considération ni au sérieux cette « authenticité », il ou elle court à sa perte, car pour ceux qui n’ont vu aucun Hunger Games, sachez que Katniss est têtue et obstinée !
1Génération Z. Mode d’emploi, de George Lewi, publié en mai 2018
2Voir le rapport de synthèse du premier Observatoire Wellcom du Sens®