Comment est née l’aventure Vraiment ?
J’ai rencontré Julien Mendez en allant chercher ma fille à l’école. Nous avons sympathisés et en discutant nous nous sommes rendus compte que nous n’avions plus de journal de cœur. On s’est alors lancé le pari de lancer notre propre hebdomadaire. Nous avons commencé à travailler dessus en février 2017 : je m’occupais de recruter les journalistes et Julien, docteur en économie qui a fait ses armes à l’Agence de Participation de l’Etat, s’occupait de trouver les financements. J’ai pris contact avec de nombreux journalistes de presse écrite : Sandrine Chesnel de l’Express, Thibault Raisse du Parisien etc. De son côté Julien a rencontré l’imprimeur Léonce Deprez (qui édite déjà le magazine Society). C’est ainsi qu’une petite équipe s’est créée ! Julie Morel nous a rejoint en juin et nous avons ensuite pris nos premiers locaux de coworking en août.
Notre fonctionnement obéit à une double logique entrepreneuriale et rédactionnelle. Nous avons également un fonctionnement différent des autres magazines : 5 jours de décalage entre l’impression et l’expédition, quand les autres hebdos n’en ont 3. Ce qui fait que nous imprimons et nous diffusons à un prix moins élevé. Ce temps long nous pousse de plus à être fidèles à notre ligne éditoriale qui est de ne pas faire d’actu « chaude » mais de proposer des contenus de fond.
Pourquoi avoir choisi le format papier ?
Avec les magazines papiers le modèle économique est simple : les recettes proviennent de la vente du journal, qui permettent ensuite de rémunérer les journalistes et de payer les frais. Sur internet c’est plus difficile : certes l’investissement de départ est moindre, mais il est beaucoup plus difficile de pousser les gens à s’abonner. Aujourd’hui la seule exception, en plus des versions Web des grands journaux nationaux Le Monde et Le Figaro, c’est Mediapart. De leur côté, Slate et le Huffington Post par exemple sont en très mauvaise santé financière. Avec le papier on est sur un modèle économique avec une structure précise, on sait que l’on ne va pas vendre des centaines de milliers d’exemplaires, mais au moins le modèle économique est clair. Et ces dernières années certains titres de presse écrite ont rencontré un tel succès qu’ils ont aujourd’hui bien installés comme Le 1 ou Society.
Quels types de contenus proposez-vous dans Vraiment ?
Nous proposons une dizaine de sujets longs par semaine dans la partie « informations » qui est structurée selon des rubriques classiques : France, économie, Monde. Ensuite dans la rubrique « Au Calme » nous mettons en avant des sujets « mieux vivre » et « culture ». Notre méthode : mêler le terrain, le reportage et l’analyse, l’expertise. Nous sommes un journal qui est là pour nourrir la réflexion. Si un nouveau concept émerge dans la société nous allons nous interroger sur ses origines, questionner des spécialistes etc. On a un petit côté intello mais on est aussi conscients qu’on ne peut pas être spécialisés sur tous les sujets. Surtout d’un autre côté, chaque lecteur est spécialiste d’au moins une thématique ! Il faut donc que l’on essaye toujours d’être les plus sérieux et concis possible. Lorsqu’un lecteur découvre un nouveau magazine il va d’abord lire un article sur un sujet qu’il maîtrise pour évaluer le sérieux du journal. Voilà notre recette : pas d’actu « chaude » et des sujets traités avec rigueur.
Pour trouver cette ligne éditoriale nous nous sommes aidés de nos lecteurs. En effet « Vraiment » est le fruit d’une co-construction. C’est Julie Morel qui a eu cette idée : s’appuyer sur une communauté de lecteur pour affiner notre projet. Un exemple : nous avions au départ l’idée de faire chaque semaine une couverture mono-sujet. Or nous proposons à chaque fois 8 dossiers sur des thématiques différentes. Le risque avec des couvertures à sujet unique c’est que l’on sous-vende notre titre, sans rendre compte de toutes les thématiques abordées. C’est grâce à notre communauté que nous avons pu aboutir à ce résultat.
Quel regard portez-vous sur le renouvellement du paysage médiatique français (Le Nouveau Magazine Littéraire, Le Média, AOC etc.) ?
Je trouve que c’est génial que de nouveaux médias se créent, même si je suis conscient que tous n’y arriveront pas. Depuis 350 ans des journaux se créent, d’autres disparaissent c’est comme ça, mais c’est toujours stimulant de sentir un vent frais souffler sur la presse française. Surtout si ces médias militent pour de l’information sérieuse et contre le buzz et les titres à clic. L’essentiel c’est que l’on se batte pour ce que l’on croit ! Je suis journaliste à FranceInfo depuis 15 ans et je ne peux pas me résoudre au fait que l’information se résume à des brèves ou à des vidéos buzz. Ça me fait de la peine de voir des news magazines qui ne sont plus lus. Il y a un vrai désir de renouveau chez les lecteurs. Vraiment.