Un robot est aujourd’hui capable d’imiter à la perfection Rembrandt : l’année dernière, une intelligence artificielle (IA) a peint une toile que les plus grands experts pourraient les yeux fermés attribuer au maître hollandais. Et de Rembrandt à Edmond Rostand, il n’y a qu’un pas. Un petit pas qui, pour l’instant, représente un abîme quasi infranchissable pour les robots (ouf). Certes, au Japon, un roman co-écrit par une IA a bien failli gagné un prix littéraire. Mais, premièrement, il ne l’a pas remporté, et de deux, il a été conçu avec l’aide d’humains (et toc !). Les rédacteurs, écrivains et autres gens de plume (même s’ils sont plutôt de clavier de nos jours) sont-ils menacés ?
par Ségolène Mathis, agence analogue
Les intelligences artificielles envahissent notre quotidien : nos fours se déclenchent à distance pour que le petit plat qui s’y trouve soit parfaitement cuit quand nous rentrons ; notre téléphone nous prévient lorsque notre réfrigérateur est presque vide, on appuie sur un bouton et un robot fait les courses en ligne à notre place ; bientôt, nos voitures se conduiront toutes seules et nous serons soignés par des robots médecins. Autant de gestes derrière lesquels se cachent bien souvent des emplois. Sont-ils voués à s’effacer devant l’IA ? Un site, willrobotstakemyjob.com, estime la probabilité qu’a votre métier à disparaître. Evidemment, certaines professions sont plus à risque que d’autres : 86 % pour un ouvrier de maintenance contre 3,8 % pour un rédacteur.
L’écriture automatisée
La rédaction a tapé dans l’œil de certains des acteurs les plus influents en matière d’IA. Le programme superstar d’IBM, Watson, a participé à la rédaction d’un numéro du magazine The Drum. L’IA a été capable de générer des questions destinées à des interviews ou à extraire des informations pertinentes concernant un sujet donné. De nombreux médias font appel aujourd’hui à ces robots journalistes pour lutter notamment contre les « fake news », ces rumeurs souvent accréditées trop vite. Une évolution perçue comme positive dans les rédactions car elle permet de libérer du temps aux journalistes pour effectuer les travaux à forte valeur ajoutée : reportages, interviews, etc. Des tâches comme les résultats électoraux sont ainsi délégués aux robots qui, jusqu’ici, n’ont pas fait d’erreurs. Il est vrai qu’on ne leur demande que de trouver le bon chiffre et de l’accompagner d’une phrase descriptive sommaire et particulièrement factuelle. D’autres applications sont également testées. Toyota par exemple, dans le cadre du lancement de la Mirai, a fait appel à une IA pour produire des accroches publicitaires personnalisées en fonction de la cible visée. Le résultat n’est pas révolutionnaire mais est tout à fait cohérent par rapport à l’exercice demandé.
Des mots, pas d’émotion
Google s’est quant à lui essayé à la poésie – sans grand succès il est vrai. Les chercheurs ont fait ingéré à leur IA 11 000 livres et lui ont ensuite demandé de produire des vers (amoureux de Shakespeare, s’abstenir) :
No. he said.
« no,” he said.
« no, » i said.
« i know, » she said.
« thank you, » she said.
« come with me, » she said.
« talk to me, » she said.
« don’t worry about it, » she said.
De quoi se dire que la pléiade a encore de beaux jours devant elle, même si le but recherché n’était pas de produire un contenu de qualité, mais simplement de tester la capacité de l’IA à générer des phrases. Le sens n’est pas toujours au rendez-vous : une IA baptisée Benjamin a réussi à écrire le scénario d’un court-métrage. Si vous comprenez quelque chose, c’est que vous êtes sans doute vous-même un robot…
« Dans tous les cas, il y manque un ingrédient unique, base de l’écriture : le style. »
Les IA sont certes aujourd’hui capables de mettre un complément à la suite d’un verbe et d’un sujet, mais, dans tous les cas, il y manque un ingrédient unique, base de l’écriture : le style. Et donc l’émotion. Et pour l’instant, personne n’est en mesure de dire quand une machine pourra écrire de façon aussi fluide qu’un humain, d’attraper l’attention du lecteur, de la retenir. La plume (enfin le clavier) n’est pas encore tout à fait morte…