Dans l’univers éditorial des maisons de luxe, on est passé d’un ton où l’imaginaire féerique domine, où la poésie invite fastueusement au rêve (voir L’odyssée de Cartier, 2012, ou La légende de Shalimar, 2013, Guerlain) à un ancrage profond dans le passé, convoqué pour rappeler la légitimité de l’entreprise et son savoir-faire. Comme si rêver ne suffisait plus… Il faut aussi prouver que la marque a une histoire et que celle-ci est garante de la qualité des produits et de la pérennité de la création. Réinventer les codes en invoquant l’Histoire, voilà le nouveau credo du luxe.
par Ségolène Mathis, agence analogue
Aujourd’hui, les marques de luxe replongent dans leurs origines en faisant renaître la figure emblématique du fondateur ou en retraçant l’avènement des pièces iconiques. Un des derniers exemples en date : le film de Noël imaginé par Burberry. La vidéo met en scène le créateur de la marque, Thomas Burberry, qui inventa en 1880 la gabardine imperméable, le fameux « trench ». Un modèle qui a fait le succès de l’entreprise. Et pour valoriser ses racines, Burberry s’appuie sur un casting de stars et une esthétique dans le plus pur goût hollywoodien. Carton plein pour ce mini-métrage qui compte plus de 14 millions de vues.
Entretenir la légende
En faisant le tour des sites internet des marques de luxe, un constat s’impose d’emblée : chacune d’entre elles consacre une part importante de ses contenus à son histoire et à son savoir-faire. Quelque soit le ton adopté, il est des mots incontournables qui résonnent au fil du web comme une promesse d’excellence : « patrimoine », « savoir-faire », « histoire », « créateur », « révolution », « héritage », « emblématique », « légendaire ». Derrière ces mots, une volonté : faire vivre le mythe. Cartier, notamment, abrite sur son site une rubrique « Styles et histoires », qui présente les inspirations identitaires de la maison, comme l’iconique panthère, dont l’apparition remonte à 1914.
Faire date
Plus que les mots, ce sont surtout les chiffres qui dansent devant nos yeux. Les grandes dates des maisons de luxe s’affichent triomphalement en « home page ». Et plus elles sont anciennes, plus elles sont à l’honneur. Chaumet par exemple associe sa date de création (1780) à cette formule efficace : « Naissance d’une légende ». Vuitton rappelle que son fondateur a lancé ses fameuses malles en 1854. Lanvin a créé en 2014 un site dédié à l’anniversaire de ses 125 ans, qui sert désormais de vitrine à l’histoire de la maison. Les marques de luxe sont friandes de ces chronologies qui font leur fierté ; nombreuses sont-elles d’ailleurs à afficher en signature leur date de création, à l’instar des grands noms de Champagne (Veuve Clicquot, « Maison fondée en 1772 » ; Ruinart, « La plus ancienne maison de Champagne » ; Taittinger, « Ancienne maison Forest-Fourneaux fondée en 1734 », etc.).
Retour aux sources
Ne pas oublier d’où l’on vient pour savoir où l’on va… Cette phrase paraît toute indiquée pour les acteurs du luxe. Elles mettent l’accent sur leurs origines et leurs racines pour montrer qu’elles sont capables de se réinventer, tout en conservant l’esprit voulu par leurs créateurs. Gabrielle Chanel apparaît très souvent dans les références de la maison éponyme, qui a d’ailleurs créé un site internet centré autour de son histoire. Divisée en chapitres, cette fresque vidéo retrace l’histoire de Chanel à travers ses grands succès, ses produits iconiques et leur évolution à travers le temps. Une manière forte de redessiner l’identité de la maison de couture et de se réclamer d’un ADN unique, source de toutes les créations. Sans Histoire, pas d’histoires…