Journaliste, critique littéraire, créateur des émissions cultes Apostrophes, Bouillon de culture, Double je, Bernard Pivot est un amoureux des mots. Son dernier ouvrage, Au secours ! Les mots m’ont mangé !*, une pièce de théâtre qui raconte les affres de la vie d’un écrivain, témoigne de cette passion… dévorante ! Mais le président de l’académie Goncourt est aussi un habitué de Twitter, un fan inconditionnel de foot, un observateur lucide du monde médiatique et politique. Autant de sujets qu’il aborde sans fard pour Wellnews.
Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de votre dernier ouvrage, Au secours ! Les mots m’ont mangé ! ?
Bernard Pivot : Comme souvent, cela a d’abord été une question d’opportunité. Jean-Michel Ribes, qui faisait une série de spectacles autour du langage, m’a demandé de réfléchir à un texte sur ce sujet. J’ai choisi de m’intéresser à la question suivante : un écrivain mène-t-il une vie comme les autres ? Ma réponse est négative. Le personnage que je mets en scène dans le livre réfléchit constamment à ce qu’il dit pour qu’il y ait une concordance entre les mots qu’il couche sur le papier et ceux qu’il prononce. La banalité ou les lieux communs lui sont interdits. Même une déclaration d’amour ne peut tomber dans la facilité, impossible pour lui de recourir à la simplicité du « je t’aime ». Il lui faut éviter les poncifs qui encombrent la parole des autres. Bien sûr, j’ai forcé le trait pour faire rire. Mais je trouve dommage que les écrivains ne remercient jamais les mots. Ceux-ci sont leurs amis, leurs confidents, leurs serviteurs, leurs esclaves parfois… Les romanciers les utilisent sans gratitude.
En tant que président de l’académie Goncourt, quel regard portez-vous sur le paysage littéraire français?
B.P. : Après des années où j’ai été plus témoin – journaliste, critique littéraire – qu’acteur, je suis aujourd’hui dans la position inverse. Je continue de porter un regard de curiosité, de sympathie, d’admiration, de plaisir, d’étonnement sur les textes. Ceux-ci peuvent m’émouvoir, me faire rire. Les livres me font passer par toute une série de sentiments, comme dans la vie réelle. De par ma fonction, je lis plus de romans que d’autres formes d’écriture. Mais je considère que lire des romans, ce n’est pas se couper du monde, bien au contraire. C’est entrer dans le monde par une autre porte. Je déplore d’ailleurs que nos hommes politiques ne prennent plus le temps de lire de la littérature, qu’ils semblent considérer comme une perte de temps, à l’inverse de certains de leurs prédécesseurs.
Comment êtes-vous devenu un adepte de Twitter ?
B.P. : Au moment du Printemps arabe, mon gendre m’a expliqué le rôle de Twitter dans la diffusion massive et rapide des informations. J’ai voulu comprendre comment cela marchait… et depuis, je twitte ! Pour moi, c’est une école de la briéveté et de la concision. On peut ramasser sa pensée et exprimer des choses qui vous tiennent à coeur en 140 signes. Chacun est libre de vous suivre ou non, vous faites ce que vous voulez. Twitter est un réseau choral qui n’est composé que de solistes. Cette liberté conjuguée à une vitesse de diffusion stupéfiante me séduit. Pour autant, je continue à être un adepte de la presse, que j’achète quotidiennement. Je constate néanmoins qu’il est rare de voir un jeune homme s’approcher d’un kiosque… question de génération, probablement. J’aime le papier. En ce moment, je lis avec une attention particulière L’Equipe, pour suivre les résultats de l’Euro.
*« Au Secours ! Les mots m’ont mangé ! » (Allary Editions – Mars 2016)