Le récent succès planétaire du jeu Pokémon GO, non content de faire courir les foules après de petits animaux virtuels et multicolores, démontre l’importance que sont en train de prendre la réalité augmentée et la virtualité dans vos vies. Transformation dangereuse ou mutation positive ? Plongée dans un monde futuriste qui est en train de devenir bien réel.
par Ségolène Mathis, agence analogue
illustration © Fotolia
Sans tomber dans une démonstration philosophique digne d’une dissertation de khâgne, il est nécessaire de revenir sur le concept de réalité. Chaque grand penseur en a sa définition propre, mais, pour faire simple, la réalité, c’est ce qui existe effectivement. À partir de là, que désignent alors réalité augmentée (RA) et réalité virtuelle (RV) ?
Dès que l’on ajoute des éléments virtuels sur une réalité, elle devient augmentée. Un mix de chair, d’os et de factice, en somme. C’est le cas de Pokémon GO, qui fait apparaître sur l’écran de votre smartphone des animaux virtuels sur fond de décor réel, dans un lieu existant (la place de l’Étoile par exemple), et ce, partout dans le monde. Un exploit rendu possible grâce à la géolocalisation : repéré par un petit satellite qui navigue tout là-haut au-dessus de votre tête, votre téléphone est en mesure de vous dire où se cachent ces petites bestioles dans la zone qui vous entoure. Vous n’avez plus qu’à vous précipiter pour les attraper. Réalité : vous vous êtes bien déplacé jusqu’à l’endroit indiqué (et avez brûlé quelques calories au passage). Virtualité : l’animal piégé n’existe que dans votre téléphone.
Un marché prêt à bondir
A contrario, la réalité virtuelle immerge son utilisateur dans un monde totalement fictif, recréé ou imaginaire. Visite d’un lieu situé à l’autre bout du monde ou pilotage d’un avion de chasse, les expériences sont infinies et surprenantes. D’ici dix ans, selon une étude menée par Goldman Sachs, la réalité virtuelle représentera un marché de 80 milliards de dollars, dont 15 % seront détenus par les entreprises de jeux vidéos. Cependant, au-delà de l’aspect purement ludique, la réalité virtuelle peut avoir des applications bien plus bénéfiques. Un rapport¹ mené par la société Greenlight VR auprès de 1 200 consommateurs américains âgés de 18 à 60 ans prouve que leurs attentes vont dans ce sens. Plus de 73 % d’entre eux plébiscitent l’utilisation de la RV dans le tourisme, devant le cinéma (67 %) ou l’éducation (63 %).
1 « 2016 Virtual Reality Consumer Report »
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Les vertus du virtuel
Le secteur de l’immobilier est en train d’en faire sa vitrine de vente : il est désormais possible de visiter un appartement en restant assis dans son canapé. Vous n’aurez qu’à chausser votre casque de RV pour vous promener allègrement dans votre potentiel futur logis. Finies les files d’attente interminables et les déconvenues (“L’appartement a été loué ce matin, nous sommes désolés”) ! Avec l’utilisation d’une caméra à 360°, on peut capter une pièce sous tous ses angles. Résultat : comme si on y était. L’hôtellerie a elle aussi vu le potentiel qu’elle pourrait tirer de cette technologie : la chaîne Best Western va proposer une plongée au cœur de ses chambres², un moyen de plus d’aider le client à faire son choix. Technologie différente pour les sessions shopping, mais même objectif : vendre. Grâce à la réalité augmentée, il sera possible d’essayer (virtuellement) des vêtements chez soi. Si le résultat nous satisfait, un clic, et c’est commandé. Mais un des secteurs qui risque d’être le plus bouleversé par l’arrivée du virtuel est celui de la santé. Sont déjà à l’étude l’entraînement des chirurgiens à la pratique de certains gestes délicats, les consultations à distance ou des applications curatives. En plaçant par exemple virtuellement un patient qui souffre de vertige en haut d’un plongeoir et en l’y faisant avancer, on arrivera à le faire surmonter sa peur du vide. Mieux, la réalité virtuelle peut être utilisée pour suivre une opération (3) (âmes sensibles s’abstenir). Un partage de connaissances immersif qui stimule la curiosité et l’apprentissage. D’ailleurs, la réalité virtuelle est un formidable outil d’éducation. Le Google Art Project, accessible gratuitement, a vocation à vous ouvrir les portes de tous les musées et lieux de culture du monde. Avec en plus des expositions virtuelles pour parfaire son savoir.
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L’émergence d’un nouveau storytelling
Dans le domaine qui nous intéresse, à savoir la communication, le champ des possibles est là aussi énorme. Avec la RA et la RV, l’expérience vécue par le consommateur est décuplée, car ressentie à la première personne. Mais également plus ludique, puisqu’il en devient acteur. Il ne reçoit plus le message passivement ; il peut se promener dans un univers, explorer une histoire à sa guise. La marque Oréo l’a récemment prouvé, avec une campagne 360° qui plonge le spectateur dans les secrets de fabrication des biscuits de la marque (4). Une expérience onirique qui a fait le buzz. Idem pour Red Bull : + 80 % d’engagement gagné avec sa vidéo immersive en Formule 1 (5). Le virtuel est-il désormais un ingrédient indispensable pour raconter une histoire ?
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Quelles limites ?
Touchant à tous les secteurs de l’économie, la RV et la RA ne sont pas sans susciter interrogations et inquiétudes. La première : en modifiant notre perception du réel, ne risquent-elles pas de brouiller les limites et de faire naître des comportements dangereux pour la société ? Un enfant a besoin de se construire dans un rapport au réel ; si l’éducation qu’il reçoit efface ce rapport, on ne sait pas ce qu’il adviendra. Là est tout le problème :
pour l’instant, impossible de constater les nocivités du virtuel. Les applications que l’on en voit semblent à première vue pleines d’avantages et de bénéfices. Faut-il cependant le consommer avec modération ? C’est ce que l’avenir nous dira.
En attendant, continuons à chasser les Pokémon.