Fin mai, Facebook lançait Instant Articles, une offre hébergeant directement au sein du réseau social les publications des articles de titres de presse. C’est ainsi que le New York Times contait l’incroyable combat de Lais de Souza, que Buzzfeed partageait ses 13 étapes pour améliorer son quotidien ou encore que la question des abeilles était traitée par National Geographic.
Ils sont donc neuf à avoir accepté de participer à cette expérimentation le New York Times, BuzzFeed, National Geographic donc. Mais sont également partenaires de cette initiative The Atlantic, NBC News, The Guardian, BBC News, Bild et Spiegel Online. « Fondamentalement, c’est un outil qui permet aux éditeurs de fournir une meilleure expérience à leurs lecteurs » explique Chris Cox, Chief Product Officer, dans le communiqué de lancement. « Instant Articles leurs permet de proposer des articles au chargement plus rapide, interactifs tout en conservant le contrôle sur leurs contenus et en conservant leur business model. »
En effet, la question du contrôle est centrale. Le business model des éditeurs repose presque exclusivement sur la monétisation de leur audience et donc leur capacité à attirer les lecteurs sur leurs supports. Avec Instant Articles, ce modèle est bouleversé car c’est le média qui va à la rencontre de son lectorat. Une réalité qui ne semble pas déranger le président du New York Times Marl Thompson qui déclare que « C’est notre tradition de rencontrer nos lecteurs où ils se trouvent, et cela signifie que nous devons être présents ailleurs que sur nos propres sites ».
L’initiative de Facebook n’est pas sans rappeler celle que Snapchat, dont la valorisation n’en finit pas de grimper, avait lancé en début d’année. Avec Discover, l’application de messagerie éphémère proposait d’inventer le JT de la génération Y. Lancé avec un groupe de 11 médias dont Yahoo News ou Vice, Discover devait permettre de toucher de manière privilégiée cette cible si précieuse tant pour les annonceurs que pour les titres de presse. Une application qui semble, pour le moment, ne pas satisfaire son public.
Twitter est également intéressé par les news. Ainsi, l’oiseau qui gazouille s’intéresserait de près à deux applications d’actualité Circa et Mic.
Ainsi, il apparaît de plus en plus évident que la consultation de l’actualité se fera de moins en moins sur des plateformes d’actualités mais passera par les réseaux sociaux. Jon Steinberg, parle même d’une « ère post audience ». « L’audience directe correspond à la mesure de l’affection que votre audience porte à votre titre. »
De plus, la recommandation devient centrale. Il apparaît, aujourd’hui, que l’essentiel n’est plus d’être informé globalement mais de savoir ce que l’entourage recommande de lire. La pression communautaire gouverne donc la consommation de l’actualité. Il est question ici, et plus que jamais, d’infomédiation, soit de l’organisation et de la mise à disposition d’articles qui sont triés et hiérarchisés par des algorithmes et par une maitrise à la fois sémantique, sociale et communautaire.
Une étude récente, réalisée par trois chercheurs de Facebook et dont Le Monde s’est fait l’écho, explique que les membres du réseau bleu limitent davantage que l’algorithme l’exposition à des contenus avec des points de vue différents. C’est ce que l’on appelle l’homophilie, ou le principe de s’associer (ici d’être amis) à des personnes qui ont les mêmes opinions. Cependant, critiquant cette étude, Nathan Jurgenson explique que : « Les algorithmes sont faits pour capturer, analyser et réajuster les comportements individuels de manière à servir à des fins particulières. Le choix individuel est en partie le résultat de la façon dont l’algorithme nous renseigne et l’algorithme lui-même est un code dynamique qui réagit aux changements individuels. Ni l’algorithme ni les choix individuels ne peuvent être compris l’un sans l’autre ». Ainsi, le débat public peut effectivement être biaisé par les algorithmes. Cet effet est amplifié par les interactions naturelles qu’impliquent tout réseau social.
A cela s’ajoute, selon Eli Pariser, le fait que « seulement 7 % de ce sur quoi les gens cliquent sont des “infos dures”. C’est une infime pièce du puzzle et c’est inquiétant. Ça signifie peut-être que les infos “douces” sont en train de gagner la bataille pour l’attention sur les réseaux sociaux – du moins pour le moment. »
Donc, si les réseaux sociaux apparaissent, à court terme, comme une solution idéale, pour la presse une autre question se pose. Si Google a imposé un nouveau mode d’écriture pour optimiser le référencement, Facebook, et plus largement les réseaux sociaux, ne peut-il pas influencer la nature même des articles qu’il hébergera ? Obligeant à une intégration qui se fera alors en fonction de ce qui est le plus susceptible d’être partagé et pas nécessairement le plus important. Un monde où l’actualité, certes socialisée, n’exposera qu’un point de vue et sera principalement divertissante.