Internet vs télévision : fondu enchaîné
Interview de David Abiker
Chroniqueur media et nouveaux media pour France Info,
Arrêt sur Images, Femme Actuelle, Paris Obs et la revue Médias
Internet va-t-il sonner le glas de la télévision ? C’est en tous cas ce que prédit David Abiker, chroniqueur pour France Info, Arrêt sur Images et quelques magazines de la presse écrite, dans son dernier ouvrage « Contes de la télé ordinaire » (éd. Michalon, 2008) dont il nous livre la substance ce mois-ci.
Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et titulaire d’un DEA de Sciences Politiques, David Abiker a collaboré à Arrêt sur images, émission hebdomadaire d’analyse et de décryptage des médias sur France 5 (qui a retrouvé un second souffle sur Internet depuis janvier 2008). De septembre 2005 à juillet 2007, il a chroniqué les blogs sur France Inter dans le cadre de la matinale. Depuis septembre 2007, il présente deux rubriques le matin en semaine sur France Info (« A la Une du Net » et « L’invité du Net »), anime « David Abiker et les Infonautes » depuis janvier 2008, et collabore aux magazines Femme Actuelle, Paris Obs et à la revue Médias. David Abiker est, par ailleurs, l’auteur de « Le Musée de l’homme » et « Le Mur des lamentations » aux éditions Michalon.
Vous venez de publier « Contes de la télé ordinaire » (éd. Michalon, 2008), un recueil de chroniques acerbes et drolatiques sur la télévision dans lequel vous mettez le doigt sur un phénomène pour le moins révolutionnaire : la mort imminente du petit écran et la migration de son contenu vers l’Internet. Quelle analyse vous permet une telle conclusion ?
Le téléspectateur a changé. Une étude parue cet automne montre que les 18-25 ans passent désormais plus de temps devant un écran d’ordinateur que devant une télévision. Jeu vidéo, Dailymotion, VOD, zapping, lecture, télé sur Internet, Divx … Cette génération préfère la télé à emporter plutôt que le gros tube cathodique de papa Pierre. Alors que nos parents étaient fidèles à une chaîne dont ils recevaient docilement les programmes, nos enfants sont en train de devenir leurs propres directeurs des programmes. Ce n’est pas la télé qui a changé, mais le téléspectateur qui est devenu infidèle et volatile.
La fin d’Arrêt sur images (diffusée sur La Cinquième de 1995 à 2007), puis sa résurrection sur le web en janvier 2008, est-elle symbolique de cette chronique d’une mort télévisuelle globale annoncée ?
L’engouement et le soutien des téléspectateurs à Arrêt sur images est d’abord un soutien presque militant, les gens estime que cette émission est de salut public dans un PAF où la critique a déserté. Donc, ils sont aujourd’hui 40 000 à payer pour voir la télé sur le Net. Le moment de vérité sera le renouvellement des abonnements. Daniel Schneidermann et son équipe ont rejoint le net au bon moment. Les gens se familiarisent à la télé en ligne. Dans quelques mois, regarder des émissions sur son ordinateur sera d’une grande banalité. Pour en revenir à Arrêt sur images, plus que jamais l’émission reste utile car on voit tous les jours sur le web et à la télé des images sorties de leur contexte, sans explication, qui méritent au moins un commentaire sinon un décryptage.
Comment voyez-vous l’univers médiatique en général, à court et moyen terme, au regard des lames de fond qu’il subit en ce moment : concentration du secteur, émergence du « journalisme citoyen », démissions en cascade dans les grands organes d’information avec déroutes éditoriales, etc… ?
On est dans une phase de recomposition. Certaines chaînes traditionnelles sont en pleine remise en question, mais TF1 a encore de beaux jours devant elle. Je crois que le journalisme est en train de s’approprier Internet. Les sites d’infos sont de plus en plus professionnels et cette utopie d’un journalisme citoyen va disparaître aussi vite qu’elle est apparue. Il n’y a qu’à voir comment des grands journalistes comme Edwy Plenel, Daniel Schneidermann, Pierre Haski (www.rue89.com), Stéphane Cohen (www.rue89.com) et plein d’autres ont investi la toile pour comprendre que la presse va sans doute trouver un second souffle sur le web. La question n’est pas technique, elle est d’abord financière. Les journalistes en ligne pourront-ils vivre de leur métier ? C’est la question. Il faut attendre un peu pour avoir la réponse.