Ecran total en Bretagne
Interview d’Olivier Clech, Rédacteur en chef multimédia du Télégramme
La presse quotidienne régionale s’invite de façon croissante à la table des medias nationaux grâce au support Internet. Le Télégramme, titre-phare de la PQR en Bretagne, en donne une nouvelle illustration avec la création de son Journal Télévisé sur le web. Pour en savoir plus, nous avons donné la parole à Olivier Clech, rédacteur en chef multimédia du quotidien. Au Télégramme depuis 21 ans, Olivier Clech, est corédacteur en chef depuis 8 ans, chargé en particulier des informations locales et de l’organisation de la rédaction. Il supervise, depuis deux ans, les développements multimédias au sein du journal.
La création d’un journal télévisé sur le site du Télégramme correspond-t-elle à une volonté de désenclaver et de diffuser plus largement votre ligne éditoriale à une échelle nationale ?
Le lancement du JTWeb est un élément– certes le plus récent et le plus innovant – mais seulement un élément parmi d’autres visant à développer l’audience de la marque Télégramme. Nous espérons bien sûr capter l’intérêt de la diaspora bretonne partout où elle se trouve, mais nous avons aussi conscience que cela ne serait qu’un levier de croissance assez secondaire. Notre marché prioritaire reste le marché régional où notre légitimité et notre notoriété sont ancrées solidement. La Bretagne compte trois millions d’habitants. Avec ses 200.000 exemplaires diffusés chaque jour, Le Télégramme a une audience quotidienne d’environ 550.000 personnes : cela montre que, même sans sortir de notre péninsule, nous en avons encore de bonnes réserves de progression. Le JTWeb participe aussi de notre souhait de continuer à faire évoluer l’image du Télégramme, déjà puissamment rénovée avec le passage au format tabloïd en 2002, en montrant au public internaute que la presse quotidienne régionale n’est pas forcément une presse vieillotte et conventionnelle, contrairement à l’image qui en est souvent donnée par conformisme et par facilité.
S’agit-il de prolonger la bonne croissance des ventes du support papier ou est-ce le fruit d’un constat par rapport aux limites de développement du Télégramme ?
Il s’agit d’abord de prolonger le développement du support papier. C’est quand les choses vont bien qu’il faut innover, investir et prendre éventuellement quelques risques. Au Télégramme, même si nous avons conscience d’être installés dans une région intéressante, plus favorable que d’autres à la presse de proximité, nous croyons fortement en l’avenir d’une presse payante quotidienne de qualité. Tout ce que nous entreprenons sur le web prend appui sur cette confiance dans notre journal et dans ses capacités d’évolution. En revanche, nous avons aussi conscience que les spécificités du support papier – liées aux contraintes industrielles de production et à sa diffusion – sont de plus en plus perçues comme des limites, aux yeux des consommateurs d’information – singulièrement les plus jeunes – face à la souplesse et à l’instantanéité des autres canaux comme internet et le téléphone mobile. Donc, nous anticipons ; nous explorons les complémentarités entre supports afin de prévenir un basculement brutal des modes de consommation qui pourraient mettre un jour le papier en difficulté. Nous voulons continuer à faire du bon journalisme en augmentant les chances qu’il atteigne bien tous les publics concernés. Notre projet c’est non seulement de garder mais d’accroître notre lectorat, quel que soit le support.
Le fait que les journalistes proposent des sujets à votre studio web illustre le bon accueil de ce JT. Pensez-vous, à terme, dédier une partie de la rédaction exclusivement à ce nouveau support ?
Ce n’est pas vraiment la direction que nous avons choisie. L’idée est plutôt de générer au sein de la rédaction, par la formation, par l’expérimentation, les compétences et les énergies qui feront vivre et se développer le JTWeb ainsi que les futurs projets sur internet. Notre projet est que la rédaction du Télégramme, dans se globalité, devienne une rédaction multimédia ou multi-supports. Pourquoi fabriquer une rédaction à plusieurs vitesses, cloisonnée ? Ce serait créer de la lourdeur, de l’inertie alors qu’à l’évidence notre avenir nous appelle à plus de réactivité, de fluidité et de souplesse. Le JTWeb est une initiative originale dans le monde de la PQR, nous en sommes assez fiers, mais il n’est finalement que la partie visible d’un processus beaucoup plus complexe qui s’est engagé dans notre culture rédactionnelle. Une mutation qui nous permettra d’affronter notre avenir.