Le 23 juin dernier a marqué le 40ème mois de détention d’Ingrid Betancourt, retenue en otage en Colombie depuis février 2002. Vous avez souhaité, avec la ville d’Issy-les-Moulineaux, faire de cette date une journée de mobilisation en faveur de sa Citoyenne d’Honneur, en affichant son portrait sur la façade de l’Hôtel de Ville. Par quoi votre décision a-t-elle été motivée ?
Quelques mois après l’enlèvement d’Ingrid Betancourt en février 2002, une habitante de ma ville, membre du comité de soutien qui venait de se constituer en France, avait attiré mon attention sur son sort et j’ai aussitôt décidé de me mobiliser : j’ai reçu à l’Hôtel de Ville en janvier 2003 Yolanda Pulecio et Mélanie Delloye-Betancourt, sa mère et sa fille, puis Ingrid Betancourt a été élue à l’unanimité par le Conseil municipal citoyenne d’honneur de la Ville le 6 février 2003. Je suis intervenu auprès des autorités françaises, j’ai participé aux marches de soutien, posé une question écrite au ministre des Affaires étrangères le 14 septembre 2004 et proposé au mois de février la candidature d’Ingrid Betancourt au Prix Nobel.
Juan Carlos Lecompte, le mari d’Ingrid, de passage à Paris, a donc souhaité me rencontrer et j’ai souhaité organiser une journée de mobilisation à cette occasion, sachant que le 23 juin marquait le 40e mois de sa détention ; comme j’avais déjà l’intention de dévoiler le portrait d’Ingrid sur la façade de l’Hôtel de Ville, j’ai estimé que cette journée était l’occasion idéale de le faire.
La récente libération de Florence Aubenas et Hussein Hanoun a-t-elle influé sur votre action ?
La libération de Florence Aubenas et d’Hussein Hanoun n’a pas été décisive, puisque j’avais déjà décidé de poser le portrait d’Ingrid Betancourt à côté de celui de Florence et Hussein que j’avais affiché le 12 mars dernier en présence du père de Florence, à l’occasion de l’opération « 1000 fanfares pour Florence et Hussein ». Mais il est vrai que cette libération a été pour moi une piqûre de rappel : Florence et Hussein sont libres, mais Ingrid et son amie Clara Rojas ne le sont toujours pas. Ingrid est désormais la dernière otage française dans le monde. Il fallait organiser une nouvelle action de mobilisation. Et il va falloir continuer encore et encore, jusqu’à leur libération. Le père de Florence Aubenas est venu nous apporter son soutien, Florence se reposant sur les conseils des médecins, et cela a touché tout le monde.
Quel regard portez-vous d’une part sur le travail de reporter de guerre, et de l’autre, sur l’action politique que mène Ingrid Betancourt tels que nous les vivons aujourd’hui ? L’information et la politique doivent-elles payer le prix des enlèvements pour exister ?
Le travail de reporter de guerre a toujours été difficile par la nature même du « job » et malheureusement, plusieurs journalistes ont perdu la vie lors de conflit ces dernières années. Mais jusque là, ils étaient rarement pris pour cibles de manière délibérée. Avec le changement de nature des conflits qui opposent désormais des armées régulières à des guérillas aguerries (en Colombie, en Irak, en Tchétchénie, en Afghanistan…), les règles ont changé : les actes terroristes deviennent une arme terriblement efficace pour ces guérillas, et les enlèvements un moyen de pression et une source de financement extraordinaires. Tous les moyens sont bons pour ces terroristes fanatiques qui n’ont aucun scrupule. Les journalistes deviennent donc une cible de choix, car les répercussions médiatiques sont importantes et les hommes et femmes politiques qui souhaitent débarrasser leur pays de la corruption ou du terrorisme sont les ennemis à abattre prioritairement. On le voit en Irak où les membres du gouvernement irakien sont pris régulièrement pour cibles. Le cas d’Ingrid Betancourt est plus paradoxal, puisqu’elle souhaitait privilégier le dialogue avec les FARC qui la détiennent aujourd’hui et avait rencontré leurs chefs au cours de sa campagne présidentielle ; dans son cas, c’est sa médiatisation et sa célébrité à l’étranger qui en ont fait un otage de choix.
Information et politique devraient pouvoir s’exercer librement mais cela devient malheureusement de plus en plus difficile dans les conflits d’aujourd’hui, pourtant il faut avoir le courage de continuer. Notre rôle à nous est de les soutenir.