Paul Amar, Journaliste de France 5
Diplômé du Centre de Formation des Journalistes, Paul Amar débute sa carrière en tant que reporter à France Inter en 1971. Correspondant de guerre, puis en poste à Washington, il arrive à la télévision en 1979 qu’il ne quittera plus jusqu’à aujourd’hui où il produit et anime l’émission « D’un monde à l’autre » sur France 5, le lundi. Depuis avril 2005, il présente « D’un monde à l’autre, le débat », également sur France 5. Paul Amar est par ailleurs l’auteur de 3 ouvrages : « Œil de verre », « Scènes de la vie de province » et « Freud à l’Élysée ».
La mort du Pape Jean-Paul II a donné lieu à une effervescence médiatique sans précédent pour ce type d’événement. Que peut-on en déduire sur le rôle et la place de la presse en France aujourd’hui, au-delà de la polémique sur la « supra-laïcité » de cette couverture médiatique particulière ?
Si la presse a attaché une telle importance à la mort du pape, c’est tout simplement parce qu’elle avait observé, bien avant le décès de Jean-Paul II, son immense popularité auprès des chrétiens de France. Elle s’est contentée en quelque sorte « d’accompagner » la tristesse et l’émotion des fidèles. Elle ne l’a pas, si j’ose dire, « imposée ».
Mais une autre raison, plus politique, pourrait expliquer cette « sur-médiatisation » de la mort du pape : la montée du fait religieux, en France comme dans le monde. L’Islam a pris une telle place aujourd’hui, par le nombre de croyants, par l’importance des minorités musulmanes dans les pays occidentaux, par leur forte religiosité, et par l’activisme des plus radicaux, cet Islam est si présent que le Monde chrétien a éprouvé et éprouve le besoin de se rassembler, de se rassurer et de porter haut et fort ses valeurs.
Jean-Paul II l’avait d’ailleurs fort bien compris. Il avait aussi compris l’importance des médias pour se poser en « héros cathodique ». Et la presse a suivi…
Avec l’arrivée de la TNT, 14 nouvelles chaînes viennent s’ajouter à la liste déjà longue des chaînes de télévision à la disposition des Français. Que penser de la surenchère et de la surabondance d’informations aujourd’hui ? Est-ce que trop d’info ne tue pas l’info ?
Vive la TNT ! La multiplication des chaînes ne peut que profiter aux spectateurs… Elle enrichit le choix. Mais, en termes d’infos, cette multiplication n’est pas synonyme de « surabondance », pour reprendre votre terme. Bien au contraire.
Les centaines de chaînes que nous pouvons désormais capter en France (via la TNT, le câble ou le satellite) proposent rarement des journaux d’informations (trop coûteux ; pas rentables et parfois sources d’ennuis ou de frictions avec les pouvoirs publics et institutions).
L’arrivée éventuelle sur la TNT de chaînes exclusivement dédiées à l’information constituerait donc un réel progrès démocratique ; à supposer, bien sûr (et à espérer) qu’elle permette une vraie diversité éditoriale.
Depuis quelques années, on analyse de plus en plus la façon dont les medias font leur métier (déontologie, pertinence, connivences, etc…). Des émissions et des journaux y sont totalement consacrés. Comment le métier de journaliste a-t-il évolué selon vous ?
Je ferais volontiers la distinction entre, d’une part, les journalistes radios et ceux de presse écrite et, d’autre part, les journalistes-télé. Les premiers (radio et presse écrite) jouissent d’une belle image (rigueur ; crédibilité ; indépendance). Image méritée. Les seconds (télé) qui ne sont pas moins compétents, pas moins rigoureux et pas moins… indépendants (pour la plupart d’entre eux) souffrent en revanche d’une grande confusion entre les métiers de télévision. Les spectateurs eux-mêmes ne s’y retrouvent pas : ils confondent volontiers animateurs et journalistes, divertissement et infos. Confusion entretenue par les décideurs politiques (pas tous !) qui préfèrent ces « émissions-spectacles » aux « émissions-débats » et par certains animateurs (qui présentent parfois une rumeur scabreuse comme une info ou qui dansent, collés serrés, avec un Dieudonné, juste après son fameux sketch). Il ne faut donc pas s’étonner du soupçon de « facilité ou de connivence » qui pèse sur la télé. Et les journalistes qui travaillent à la télé en sont les premières victimes.