Télérama accorde son plumage à son ramage
Interview de Fabienne Pascaud, Directrice de la rédaction de Télérama
L’hebdomadaire culturel Télérama a lancé sa nouvelle formule 27 septembre dernier. Une nouvelle identité commentée pour la Wellnews par Fabienne Pascaud, directrice de la rédaction de Télérama.
Titulaire d’une maîtrise de Lettres et diplômée de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Fabienne Pascaud s’est engagée dans le journalisme par le biais de la critique de théâtre. Rédactrice en chef du journal de la Comédie Française en 1983, elle tient une chronique théâtrale pendant dix ans sur Europe 1 à partir de 1984. A la télévision, elle réalise des magazines de théâtre pour France 2. En 1986, elle collabore à la fondation de la Sept (qui deviendra Arte) où elle dirige l’unité magazines et documentaires. Elle a publié trois ouvrages aux éditions Plon : Les Miroirs de Diana (1998), Mémoire d’acteur, des entretiens avec Michel Bouquet (2001) et L’Art du présent – des entretiens avec Ariane Mnouchkine (2005). Fabienne Pascaud a une longue histoire commune avec Télérama. En 1980, elle y est entrée comme journaliste au service cinéma. Après avoir été rédactrice en chef adjointe à la culture puis rédactrice en chef du magazine, elle est nommée en février 2006 directrice de la rédaction.
A quand remonte la dernière refonte de la formule du journal ? Quelles en avaient été les lignes directrices ?
La dernière refonte de Télérama remonte à mai 2000. Priorité était alors donnée à l’ouverture et au décryptage de la société. Télérama devenait peu à peu un « news sociétal culturel ». Nous avions par exemple créé, après le document d’ouverture du journal, une rubrique « Signes du temps », où étaient analysés les faits socio-culturels qui nous semblaient significatifs de notre quotidien ; leur succédait le portrait d’un « anonyme exemplaire » où nous mettions en lumière un inconnu qui menait selon nous une action culturellement, civiquement exemplaire… Par ailleurs, au chapitre culturel, nous avions commencé à séparer la partie « magazine » de la partie « critique » dans les pages « cinéma » : une division magazine-cahier critique que nous avons systématisé aujourd’hui.
Quels sont justement les changements apportés dans la nouvelle formule, et quelles en sont les raisons ?
Avec cette nouvelle formule, nous revenons aux fondamentaux culturels du journal. Et nous cherchons à nous rapprocher des lecteurs, de ce qu’ils vivent, de ce qu’ils voient, de ce qu’ils entendent, de ce qu’ils lisent. Nous avions donné une trop large place au contenu « infos news ». Nous voulons un Télérama davantage recentré sur son expertise critique (qui a fait jusqu’alors sa légitimité à l’extérieur) grâce à un cahier qui rassemble Livres, Cinéma, Musique, Scènes, Art, Internet… et satisfasse la curiosité et l’exigence des lecteurs. Comme beaucoup de journaux semblent avoir renoncé à cette fonction, ce « créneau » me semble aujourd’hui plus qu’un acte de résistance : une véritable opportunité… En première partie du journal se trouve aussi désormais un magazine pluridisciplinaire, transversal, où tous les domaines pourront être abordés pourvu qu’ils fassent partager une expérience culturelle au sens le plus large du terme. Dans le monde métissé et multilingue actuel, on ne peut plus en effet se contenter d’une approche classique par rubriques. Tous les genres, toutes les fonctions se mêlent… Encadreront ce magazine renouvelé un grand entretien hebdomadaire avec une personnalité dont la parole nous importe, et un débat d’idées qui nous paraît faire sens. Enfin, si l’édito me semble une formule journalistique un peu usée, les journalistes de Télérama prendront position dans les pages « télé-ramdam » ; en écho avec le courrier des lecteurs des premières pages. Ces deux séquences sont ainsi conçues comme un forum de voix. Les lecteurs ont de plus en plus besoin d’échanges, de proximité.
Votre campagne de lancement s’est servie de l’image de Nicolas Sarkozy sur le ton de la dérision… Une façon d’annoncer la couleur politique de Télérama ?
Pas du tout ! Il s’agissait ni plus ni moins d’un hommage rendu à nos lecteurs ; cette petite phrase étant justement tiré d’un de leur authentique courrier … Nous voulions une campagne axée sur l’humour et c’est vrai que nos lecteurs l’ont parfois cinglant. Nous entretenons une relation passionnelle avec eux. Car ils sont toujours très vigilants en ce qui nous concerne, ne nous laissent rien passer… Ils sont plutôt d’une moralité gauche chrétienne écolo… d’où ces formules volontiers justicières. Mais souvent justes ! Et à ne pas négliger : le courrier des lecteurs est la partie la plus lue de Télérama. A 95 % ! Pour revenir à cette campagne de lancement, elle était aussi une façon de montrer que nous savions manier la dérision contre nous mêmes. Contre le politiquement, le culturellement correct. C’est aujourd’hui essentiel. Et salutaire.