François Kermoal, Directeur de la rédaction de Stratégies
Titulaire d’un DEA en études anglophones, François Kermoal débute en 1984 à Bordeaux, en tant que correspondant pour diverses publications. Entre 1988 et 1996, il travaillera pour Stratégies Rhône-Alpes, Décision Medias et le Nouvel Economiste. Il entre en 1996 à Stratégies, l’un des deux grands titres de référence de la communication, pour occuper les fonctions de rédacteur en chef adjoint, puis rédacteur en chef (1998) et accède à la direction de la rédaction en 2000. Il est, en parallèle, éditeur délégué du mensuel en anglais Stratégies Europe (2000-2001) et auteur de « Mieux connaître ses lecteurs » (Editions du CFPJ, 1994, 2004).
Que vous inspire le lancement de nouvelles formules de journaux de PQN auxquels nous avons récemment assisté (Le Figaro, Le Monde) ? Faut-il y voir un symptôme particulier ?
Il y avait surtout urgence. La presse quotidienne vivait sur de vieilles formules et elle a été sévèrement concurrencée ces derniers temps, que ce soit par les gratuits ou surtout Internet. Ce n’est pas un scoop, les jeunes, disons les moins de trente ans, sont en train doucement de migrer sur Internet pour s’informer. Le concurrent d’un quotidien national, aujourd’hui, ce n’est pas forcément un autre quotidien mais c’est un autre support d’information. Ce que j’aime bien avec le Figaro et le Monde, c’est que l’on a affaire à de vraies nouvelles formules, et pas seulement un petit lifting discret de la maquette. Ils y ont mis les moyens. On aime ou on n’aime pas, mais il faut reconnaître que quitte à changer, autant changer vraiment, même si les lecteurs de ces titres n’aiment pas être trop être bousculés.
Comment jugez-vous l’état fragile de la PQN française par rapport à l’excellente santé de celle de nos voisins européens (Italie et Grande-Bretagne notamment) ? Que déduire de la crise qui paralyse Libération, par exemple ?
Les coûts de production sont plus élevés en France que dans ces pays. Le marché publicitaire est aussi plus dynamique pour la presse en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Il faut bien admettre, aussi, que la presse est un peu fâchée avec la gestion… C’est bien de défendre la démocratie, c’est nécessaire, et c’est évidemment l’une des missions de la presse, mais qu’on le veuille ou non, la liberté de la presse s’arrête au tiroir-caisse. Prononcez le mot « marketing » dans une rédaction et vous allez vous faire lyncher. Il me semble que les journaux français, sous capitalisés, n’ont peut-être pas été assez à l’écoute de leurs lecteurs. Ils le paient aujourd’hui.
Un mot sur le marché publicitaire… les chiffres semblent indiquer une santé toute relative du secteur pour cette fin d’année, du moins en termes d’investissements. Où en est le mouvement anti-pub des derniers mois ?
Nous venons de publier un sondage TNS Sofres sur les Français et la pub. Il montre que pour la première fois, le nombre de publiphobes est supérieur en France à celui des publiphiles. C’est un peu inquiétant mais c’est logique, car avouez que l’on a tendance à s’ennuyer devant les écrans publicitaires. Peu de campagnes émergent vraiment, et c’est sans doute lié à une prise de risque minimale. Ce n’est pas comme cela que les campagnes vont avoir de l’impact. Le secteur vit de drôles de mutations, avec le départ de toute une génération de publicitaires. La relève n’est pas forcément encore là. Le métier peine à recruter de nouveaux talents, les jeunes agences se font rares. Les années roses de la publicité sont clairement derrière nous. Pour un journaliste, c’est d’ailleurs ce qui rend ce secteur passionnant à suivre, car de nouvelles façons de communiquer émergent tous les jours. La communication a enterré la pub, qui a enterré la réclame. On attend avec impatience ce que va inventer le marché demain.